Trente ans après les faits, l’affaire Karachi revient sur le devant de la scène judiciaire. Ce lundi 3 juin s’ouvre à Paris le procès en appel de six protagonistes soupçonnés d’avoir joué un rôle central dans un vaste système de commissions occultes en marge de juteux contrats d’armement passés dans les années 1990 avec le Pakistan et l’Arabie saoudite. Au cœur de ce dossier tentaculaire : des rétrocommissions illégales qui auraient servi à financer la campagne présidentielle d’Édouard Balladur en 1995.
Contrats douteux et intermédiaires offshore
L’affaire prend sa source dans la vente de frégates à l’Arabie saoudite (contrat Sawari II) et de sous-marins au Pakistan (contrat Agosta) en 1994. À l’époque, d’importantes commissions, alors légales, sont versées à des intermédiaires basés dans des paradis fiscaux. Mais pour l’accusation, ce « réseau K » a été imposé par le pouvoir politique, alors qu’il était inutile et a entraîné le versement de commissions « exorbitantes », au détriment des intérêts de la France.
Le ministère public estime qu’une partie de ces pots-de-vin ont ensuite été reversés illégalement en France pour financer la campagne de Balladur.
Des millions en liquide sur le compte de campagne
L’élément le plus troublant du dossier reste ce dépôt suspect de 10,25 millions de francs en liquide sur le compte de campagne du candidat Balladur le 26 avril 1995, trois jours après sa défaite au premier tour. Une thèse des rétrocommissions farouchement contestée par la défense des six prévenus, poursuivis pour abus de biens sociaux, complicité ou recel.
Condamnés en première instance
Lors d’un premier procès en octobre 2020, les six hommes, dont l’ancien patron de la DCNI, un industriel et des intermédiaires franco-libanais, avaient été condamnés à des peines allant de 2 à 5 ans de prison ferme. Ils avaient fait appel et comparaissent donc à nouveau devant la justice dans l’espoir d’obtenir une décision plus clémente.
Édouard Balladur relaxé
À noter que l’ancien Premier ministre Édouard Balladur, jugé séparément devant la Cour de justice de la République, avait lui été relaxé en mars 2021. Son ancien ministre de la Défense François Léotard, décédé depuis, avait quant à lui écopé de 2 ans de prison avec sursis.
Zones d’ombre et détermination de la justice
Ce nouveau procès devrait permettre d’en savoir plus sur les dessous de ce dossier qui n’a pas encore livré tous ses secrets. Les juges vont devoir démêler l’écheveau de ce montage financier complexe pour déterminer les responsabilités de chacun et faire la lumière sur cette affaire hors norme, symptomatique des liaisons dangereuses entre monde politique et milieux d’affaires dans la France des années 1990.
Malgré le temps qui passe, la justice reste déterminée à aller jusqu’au bout et à sanctionner toute malversation, quel que soit le rang des mis en cause. Les six prévenus, qui nient toute implication dans un financement politique illégal, auront à cœur de convaincre les magistrats de leur innocence. Verdict attendu le 20 juin au terme de trois semaines de débats qui s’annoncent intenses et riches en révélations.