Les relations entre l’Union européenne et la Géorgie traversent une zone de turbulences. Bruxelles envisage de prendre des « mesures » à l’encontre de Tbilissi en raison de la répression « brutale » des manifestations pro-européennes qui secouent le pays depuis plusieurs semaines, a annoncé mardi une porte-parole de la diplomatie européenne.
Selon cette source, « le recul démocratique persistant et les récents moyens répressifs utilisés par les autorités géorgiennes ont des conséquences sur nos relations bilatérales ». L’UE se penchera sur d’éventuelles sanctions lors du prochain Conseil des affaires étrangères prévu le 16 décembre.
Un pays en proie à une crise politique majeure
Depuis les élections législatives controversées du 26 octobre, remportées par le parti au pouvoir mais dénoncées comme truquées par l’opposition, cette ex-république soviétique du Caucase est en ébullition. Les partisans d’un rapprochement avec l’UE accusent le gouvernement de renoncer aux ambitions européennes du pays et de dérive autoritaire prorusse.
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase a été la décision, le 28 novembre, de repousser jusqu’en 2028 « la question de l’adhésion à l’Union européenne », déclenchant une vague de manifestations massives à Tbilissi et dans d’autres villes du pays. Depuis, des milliers de Géorgiens pro-européens se rassemblent chaque soir devant le Parlement pour réclamer la démission du gouvernement.
Plus de 400 manifestants interpellés
Face à cette mobilisation sans précédent, les autorités ont choisi la manière forte. Selon le ministère de l’Intérieur, plus de 400 protestataires ont été interpellés depuis le début du mouvement, la plupart pour « désobéissance » ou « vandalisme », mais aussi pour des délits plus graves comme incitation à la violence. De nombreux cas de violences policières contre des manifestants et des journalistes ont été documentés par des ONG et l’opposition.
Toutes les allégations de torture et de mauvais traitements doivent faire l’objet d’une enquête crédible.
L’Union européenne
Bruxelles « déplore ces actions de répression » et « demande la libération immédiate de toutes les personnes détenues ». Cette répression musclée a été vivement dénoncée par les partenaires occidentaux de la Géorgie.
Une dérive autoritaire inquiétante
Ce n’est pas la première fois cette année que le pays est secoué par des protestations massives. En mai dernier, une proposition de loi sur les « agents étrangers », inspirée d’une législation russe liberticide, avait déjà provoqué d’importantes manifestations. L’UE avait alors gelé le processus d’adhésion de la Géorgie et les États-Unis avaient sanctionné plusieurs responsables.
Pour de nombreux observateurs, le pouvoir géorgien, pourtant issu de la « révolution des roses » pro-occidentale de 2003, s’éloigne de plus en plus des standards démocratiques européens. Certains évoquent même un « modèle Poutine » en construction, entre répression de la société civile, contrôle des médias et dérive autoritaire.
L’avenir européen de la Géorgie en question
Cette crise politique majeure remet en cause les aspirations européennes de la Géorgie. Après la guerre contre la Russie en 2008, ce pays du Caucase avait fait le choix stratégique d’un rapprochement avec l’Occident, au prix de tensions permanentes avec Moscou. En 2017, les Géorgiens avaient même obtenu la libéralisation des visas Schengen, une première étape vers une éventuelle adhésion à l’UE.
Mais les récents développements interrogent sur la volonté réelle des autorités de poursuivre sur cette voie. Entre pressions russes et tentation autoritaire, l’ancrage européen de la Géorgie semble plus fragile que jamais. Les prochaines semaines seront décisives pour savoir si le pays parviendra à renouer avec ses ambitions démocratiques ou s’il s’enfoncera dans une dérive à la biélorusse.
En attendant, l’Union européenne se tient prête à sanctionner les responsables des dérives en cours. Une mise en garde sévère qui montre que la patience de Bruxelles a ses limites face à ceux qui tournent le dos aux valeurs européennes. La balle est désormais dans le camp des autorités géorgiennes pour apaiser les tensions et renouer le dialogue avec une société civile pro-européenne plus mobilisée que jamais.