Dans le bouillonnant univers de l’art contemporain, un nom résonne comme une énigme à lui seul : Pascale Marthine Tayou. Cet artiste autodidacte né au Cameroun en 1966 s’est forgé en deux décennies une signature visuelle unique, mêlant poésie immédiate et sens caché. Portrait d’un créateur ancré en Flandre belge, qui croit profondément en l’humain et s’adresse à l’avenir.
Un nom, deux lettres, mille questions
Pascale Marthine Tayou : derrière ce nom se cachent déjà deux mystères. L’artiste a en effet ajouté un « e » au prénom de son père pour devenir Pascale, et un « h » au prénom maternel pour se faire appeler Marthine. Un hommage subtil à ses parents, suivant les codes implicites des familles africaines. Car Pascale Marthine est le fils puîné, confié par tradition à un oncle sans enfant pour lui porter chance.
Mais au-delà de l’anecdote familiale, ce nom est aussi une manière malicieuse de brouiller les pistes. Homme ou femme ? Délicat ou puissant ? Africain ou européen ? Pascale Marthine Tayou se joue des catégories avec un éternel sourire. Son identité artistique se veut insaisissable et universelle.
De Douala à Gand, un parcours atypique
Né à Nkongsamba dans l’ouest du Cameroun, Pascale Marthine Tayou a grandi chez son oncle commerçant à Bafoussam. Une enfance semblable à celle de nombreux Camerounais, bercée par les croyances et traditions. Des racines qui imprègnent encore son travail aujourd’hui, comme il l’explique :
Ce que je suis est l’implication de ce parcours-là, je le vois dans ma vie de tous les jours. Pourquoi je m’arrête là ? Pourquoi je ne réagis pas ? Je suis conditionné par ces habitudes-là.
Pourtant, c’est loin de son Cameroun natal que Pascale Marthine Tayou a choisi de poser ses valises, dans la brumeuse mais dynamique ville de Gand en Belgique. Une terre d’adoption riche en artistes de renom, du sculpteur Berlinde De Bruyckere au peintre Michaël Borremans. Mais dans ce maelstrom créatif, Pascale Marthine Tayou a su rester fidèle à lui-même.
Le « faiseur » et sa poésie du quotidien
Autodidacte revendiqué, l’artiste aime à se définir comme un simple « faiseur ». Pas de prétention à inventer du jamais-vu, mais plutôt une volonté de transformer avec malice et poésie les matériaux les plus banals. Sacs plastiques, branches mortes, ustensiles de cuisine… Tout est prétexte à créer sous les doigts de Pascale Marthine Tayou.
Ses installations spectaculaires envahissent l’espace, tels ces murs hérissés de clous rouillés jouant avec la couleur, ou ces nuages de calebasses démultipliées. Un art accessible et joyeux, comme l’évoque si bien son Chemin du bonheur, damier de dalles multicolores créé en Toscane.
Je ne sais pas si je crée, j’exprime mes sentiments à la marge du convenu. Je veux rester dans ce pétillement qui appartient à tout le monde.
Engagement subtil et foi en l’humain
Sous ses airs ludiques, le travail de Pascale Marthine Tayou n’est pas dénué de message. En témoigne son action coup de poing à Douala en 2007, lorsqu’il organise un défilé de marchands ambulants menacés d’expulsion. Une « fantasia urbaine » pour célébrer ces travailleurs de l’ombre, essentiels au tissu social.
Mais chez cet artiste allergique aux étiquettes, l’engagement ne se fait jamais pesant ou doctrinal. Pascale Marthine Tayou se veut un éveilleur de consciences en douceur, qui croit fondamentalement en la force des individus.
J’ai peur de cette grande foule qui m’éloigne de ce qui fait la foule. Alors, je m’intéresse à l’inventeur, c’est-à-dire à l’homme.
Inclassable, insaisissable, Pascale Marthine Tayou est à l’image de son nom aux accents dédoublés. Un artiste qui ne cesse de nous surprendre et de réenchanter notre regard sur le monde, en partant des choses les plus simples. Un « Human Factor » qui place toujours l’humain au cœur de sa démarche poétique et généreuse.
