Après 13 années d’une guerre civile dévastatrice, un tournant historique vient de s’opérer en Syrie. Les rebelles, menés par le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS), ont renversé le président Bachar al-Assad, qui a fui vers la Russie avec sa famille. Alors que les insurgés promettent justice et châtiment pour les responsables des atrocités du régime déchu, ils s’attellent maintenant à préparer un délicat transfert du pouvoir.
La chute d’un régime autoritaire
Dimanche dernier, après une offensive éclair de seulement quelques jours, les rebelles de HTS et leurs alliés sont entrés triomphants à Damas, signant la fin du règne sans partage de Bachar al-Assad. Selon des sources proches du dossier, l’ex-président et sa famille auraient trouvé refuge à Moscou, laissant derrière eux un pays meurtri par des années de conflit fratricide et de répression sanglante.
Le chef rebelle Abou Mohammad al-Jolani, aussi connu sous son vrai nom Ahmed al-Chareh, a rapidement engagé des discussions avec l’ancien Premier ministre Mohammed al-Jalali pour « coordonner la transition du pouvoir ». Une démarche soutenue par le Parlement et l’ex-parti unique Baas, qui semblent s’être ralliés au changement de régime.
Cris de victoire et soif de justice
Dans les rues de la capitale, des scènes de liesse ont éclaté, la population fêtant la chute du « tyran » Assad. Mais pour beaucoup, l’heure est aussi à la justice et aux retrouvailles. Devant la sinistre prison de Saydnaya notamment, des milliers de Syriens attendent fébrilement des nouvelles de leurs proches, souvent détenus arbitrairement pendant des années dans ce lieu décrit comme un « abattoir humain » par Amnesty International.
Les rebelles affirment avoir découvert des dizaines de cadavres portant des traces de tortures atroces près de Damas. Mohammed al-Hajj, un combattant insurgé, raconte avoir vu une quarantaine de corps empilés dans une morgue d’hôpital, avec des « signes de tortures effroyables ». Des images insoutenables circulent, montrant des corps mutilés, yeux arrachés et dents brisées.
« Nous allons annoncer une liste des plus hauts responsables impliqués dans les tortures contre le peuple syrien »
– Abou Mohammad al-Jolani, chef rebelle de HTS
En réponse, le commandant al-Jolani a juré de poursuivre les « criminels de guerre », promettant de publier bientôt une liste noire des principaux « tortionnaires » du régime pour qu’ils soient châtiés. Il a aussi offert une amnistie au personnel subalterne de l’armée et de la sécurité qui n’a pas de sang sur les mains.
Défis de la transition et ingérences extérieures
Mais au-delà de l’euphorie de la victoire, les nouveaux maîtres de Damas font face à d’immenses défis. Ils doivent à la fois assurer la sécurité, restaurer des services publics efficaces, relancer l’économie, tout en évitant règlements de comptes et dérives. Le passé sulfureux de HTS, ex-branche syrienne d’Al-Qaïda malgré ses efforts de normalisation, suscite aussi des inquiétudes.
De plus, la Syrie reste un terrain de jeu des puissances étrangères. Israël a mené lundi une centaine de frappes contre des cibles militaires syriennes pour « détruire les capacités » de l’ancien régime. La Russie, la Turquie et les États-Unis maintiennent des troupes dans le nord du pays. Autant d’acteurs qui chercheront à peser sur le futur de la Syrie.
Après plus d’une décennie d’une guerre civile qui a fait plus d’un demi-million de morts et des millions de déplacés, la Syrie aborde donc une nouvelle page de son histoire tourmentée. Si la chute de Bachar al-Assad permet d’espérer un avenir meilleur, le chemin vers la paix, la réconciliation et la reconstruction s’annonce long et semé d’embûches. Les prochains mois seront cruciaux pour déterminer si les Syriens parviendront enfin à tourner cette sombre page et à bâtir un futur plus juste et apaisé.