La province canadienne de l’Alberta est secouée par une intense polémique autour d’une nouvelle loi encadrant les soins médicaux pour les mineurs transgenres. Adoptée la semaine dernière par le gouvernement conservateur local, cette législation restreint drastiquement l’accès des jeunes trans de moins de 16 ans à certains traitements comme les bloqueurs de puberté, les thérapies hormonales et les opérations de réassignation sexuelle. Une mesure sans précédent au Canada, qui suscite l’indignation des défenseurs des droits LGBT+.
Des associations LGBT+ sonnent la contre-attaque judiciaire
Face à ce qu’elles considèrent comme une attaque en règle contre les droits et la santé des jeunes trans, deux associations de défense des personnes LGBT+, Egale Canada et Skipping Stone, ont décidé de saisir la justice. Soutenues par plusieurs familles albertaines concernées, elles ont lancé un recours commun pour tenter de faire invalider la loi controversée devant les tribunaux.
Le gouvernement de l’Alberta a délibérément ignoré les conseils et les preuves des experts, ainsi que les voix des familles albertaines, et a mis en place des politiques fondées sur la peur et la désinformation pour cibler une petite partie vulnérable de la communauté.
Les associations Egale Canada et Skipping Stone
Selon ces organisations, la nouvelle législation « viole les droits des mineurs trans » et constitue une mesure qu’« aucun gouvernement au Canada n’a jamais adoptée » par le passé. Elles accusent l’exécutif albertain de faire fi des recommandations de la communauté médicale et d’imposer des restrictions « fondées sur la peur et la désinformation », ciblant une population jeune et vulnérable.
Le gouvernement défend « un équilibre approprié »
De son côté, le gouvernement albertain assure avoir pris en compte les droits des citoyens dans l’élaboration de ce texte de loi décrié. Un porte-parole du ministère de la Justice de la province a déclaré que la nouvelle législation visait à établir « un équilibre approprié » sur cette question délicate.
Déjà en octobre dernier, lors de la présentation du projet de loi, les autorités avaient affirmé vouloir « soutenir les mineurs qui s’identifient comme transgenres afin qu’ils puissent prendre en tant qu’adultes des décisions informées qui peuvent changer leur vie ». Un argument loin de convaincre les associations LGBT+, qui dénoncent une tentative de limiter les droits et l’accès aux soins des personnes transgenres.
Justin Trudeau monte au créneau
Au niveau fédéral, le Premier ministre canadien Justin Trudeau a lui-même pris position contre la loi albertaine dès le mois de février, alors qu’elle était encore en préparation. Le chef du gouvernement l’avait qualifiée publiquement de programme « anti-LGBT+ », une critique virulente qui témoigne de la sensibilité politique du sujet.
Cette offensive législative en Alberta s’inscrit en effet dans un contexte plus large de tensions autour des politiques liées à l’identité de genre et à la transidentité au Canada. Plusieurs provinces, sous l’impulsion de gouvernements conservateurs, ont tenté ces derniers mois de faire passer des lois visant à encadrer plus strictement les droits des personnes transgenres, en particulier des plus jeunes.
La Première ministre de l’Alberta en première ligne
En Alberta, la Première ministre conservatrice Danielle Smith a fait de ces questions un axe majeur de son action et de sa communication politique. Affirmant vouloir « soutenir le développement des jeunes à un moment qui peut être difficile et déroutant », elle assume pleinement la nouvelle loi sur les soins aux mineurs transgenres, malgré la polémique.
Mais les associations LGBT+ comme les familles concernées sont bien décidées à ne pas en rester là. Avec leur recours judiciaire, elles espèrent faire barrage à ce qu’elles considèrent comme une régression des droits et une stigmatisation dangereuse des jeunes transgenres. La bataille légale ne fait que commencer, mais elle promet d’être âpre et pourrait créer un précédent majeur pour les droits des personnes trans au Canada.
Au-delà du cas albertain, c’est toute la question de la place et des droits des minorités de genre dans la société canadienne qui se retrouve sous les projecteurs. Entre volonté de protéger les plus vulnérables et tentation du retour en arrière, l’équilibre semble plus que jamais difficile à trouver sur ces sujets qui divisent et suscitent les passions.