Le paysage politique syrien a été bouleversé en l’espace de quelques jours. Après plus de 50 ans de règne sans partage du clan Assad, une spectaculaire offensive rebelle a précipité la chute du régime. Alors que le président déchu Bachar al-Assad a fui le pays, les Syriens savourent ce moment historique entre liesse et incertitude.
La fin d’un cauchemar à Damas
Dans les rues de la capitale, des scènes de joie ont éclaté après la levée du couvre-feu imposé par les rebelles. Sur la emblématique place des Omeyyades, des Syriens exultent et laissent éclater leur soulagement. Pour beaucoup, c’est la fin d’un cauchemar qui aura duré un demi-siècle.
C’est indescriptible, on ne pensait pas que ce cauchemar allait se terminer, on renaît.
Rim Ramadan, employée du ministère des Finances
Pendant des décennies, la peur a régné en maître. « Cela faisait 55 ans qu’on avait peur de parler, même à la maison, on se disait que les murs avaient des oreilles », raconte Rim. Aujourd’hui, les langues se délient et les espoirs renaissent.
Le défi des prisonniers politiques
Symbole des pires exactions du régime Assad, la sinistre prison de Saydnaya fait aujourd’hui l’objet de fouilles intenses par les secouristes. Des centaines de détenus pourraient encore être piégés dans ses cachots souterrains. Leur libération est un enjeu crucial pour tourner définitivement la page de l’oppression.
D’après une source proche du dossier, les Casques blancs ont déployé d’importants moyens pour localiser et extraire les prisonniers :
- Des unités de recherche et de sauvetage
- Des spécialistes pour abattre les murs
- Des équipes pour forcer les portes blindées
- Des unités canines et des intervenants médicaux
Une transition politique semée d’embûches
Si la chute éclair du régime ouvre une nouvelle page pour la Syrie, la transition s’annonce semée d’embûches. Le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), fer de lance de l’offensive, devra rassurer sur ses intentions. Son chef Abou Mohammad al-Jolani a appelé à « protéger toutes les minorités », mais peine à convaincre sur la scène internationale.
Toute transition politique doit veiller à ce que les auteurs de violations graves répondent de leurs actes.
Déclaration de l’ONU
L’attitude des anciens parrains du régime, la Russie et l’Iran, sera scrutée de près. Selon des experts, leur lâchage d’Assad s’explique par d’autres priorités : l’Ukraine pour Moscou, la confrontation avec Israël pour Téhéran. Mais le Kremlin a jugé « nécessaire » de discuter avec les nouvelles autorités syriennes de l’avenir de ses bases militaires dans le pays.
De son côté, la communauté internationale conditionne son soutien au respect des droits, notamment ceux des femmes et des minorités. La France a mis en garde contre toute dérive extrémiste. Un message également martelé par l’ONU, qui demande que « toutes les mesures » soient prises pour « assurer la protection de toutes les minorités et éviter les représailles ».
Le grand défi de la reconstruction
Après une décennie de guerre dévastatrice, la reconstruction de la Syrie s’annonce titanesque. Le conflit a fait plus de 500 000 morts et des millions de réfugiés et déplacés. Les infrastructures du pays sont en ruine et l’économie exsangue.
Le processus de retour des réfugiés, notamment depuis la Turquie voisine, sera un enjeu majeur des prochains mois. De nombreux exilés rêvent de rentrer, à l’image de Hamad Mahmoud, 34 ans, qui a dû tout abandonner il y a 14 ans pour fuir le régime. Mais la stabilité du pays sera une condition indispensable.
Sur le plan politique, la formation d’un gouvernement inclusif sera scrutée de près. La Turquie, soutien de poids des rebelles, a d’ores et déjà appelé à aller dans ce sens. Mais la méfiance envers le groupe HTS, considéré comme radical par les Occidentaux, pourrait freiner l’aide internationale dont la Syrie a cruellement besoin.
Alors que le pays se réveille d’un long cauchemar, les défis sont immenses pour bâtir une Syrie réconciliée, démocratique et prospère. La communauté internationale aura un rôle clé à jouer pour accompagner cette transition historique et éviter tout dérapage.