Dans un contexte d’effervescence autour de l’industrie des semi-conducteurs au Japon, tous les regards sont braqués sur Kioxia. Ce mastodonte nippon des puces mémoires s’apprête en effet à faire une entrée remarquée à la Bourse de Tokyo le 18 novembre prochain, avec une valorisation qui devrait dépasser les 5 milliards de dollars.
Selon des sources proches du dossier, le prix d’introduction du titre Kioxia a été fixé à 1455 yens, soit au beau milieu de la fourchette indicative communiquée précédemment. Au total, ce sont plus de 80 millions d’actions, dont 21,5 millions de nouvelles, qui seront mises sur le marché, permettant à l’entreprise de lever environ 800 millions de dollars.
Si elle se confirme, cette opération serait la troisième plus importante introduction en Bourse de l’année sur la place tokyoïte, juste derrière celle de Tokyo Metro qui avait levé 2,3 milliards de dollars en octobre. Des chiffres qui donnent le tournis et témoignent de l’appétit des investisseurs pour le secteur des semi-conducteurs au Japon.
Kioxia, un acteur incontournable des puces mémoires
Anciennement connue sous le nom de Toshiba Memory, Kioxia est devenue un acteur incontournable du marché des puces mémoires depuis son rachat en 2018 par le fonds d’investissement américain Bain Capital. La société se positionne aujourd’hui comme le troisième fabricant mondial de mémoires Flash NAND, ces puces omniprésentes dans les appareils électroniques du quotidien comme les smartphones, les disques durs ou encore les équipements industriels et médicaux.
Surfant sur la demande exponentielle en semi-conducteurs, notamment pour alimenter le développement de l’intelligence artificielle, Kioxia compte bien profiter de son entrée en Bourse pour accélérer ses investissements et muscler ses capacités de production. La société fait d’ailleurs partie des heureux élus qui bénéficient du généreux programme de subventions mis en place par le gouvernement japonais pour redynamiser l’industrie nationale des puces.
Le Japon à la reconquête de sa souveraineté technologique
Car le pays du Soleil Levant n’a pas dit son dernier mot dans la course aux semi-conducteurs. Lui qui dominait le secteur dans les années 80 avec des géants comme Toshiba ou NEC, a vu sa part de marché mondiale dégringoler face à la concurrence de la Corée du Sud et de Taïwan, passant de plus de 50% à seulement 10% aujourd’hui. Une dépendance que le Japon cherche à réduire en stimulant sa production nationale, notamment face aux tensions géopolitiques liées à Taïwan.
Dans cette optique, le gouvernement nippon a lancé un vaste plan de subventions baptisé « Chips Act » visant à tripler d’ici 2030 les ventes de puces produites sur son territoire. Une manne financière dont compte bien profiter Kioxia, mais aussi ses compatriotes comme Renesas Electronics, Sony ou encore Mitsubishi Electric.
Une entrée en Bourse sous haute surveillance
Si les ambitions sont grandes, la pression n’en est pas moins intense pour Kioxia à l’approche de son baptême boursier. L’entreprise sait qu’elle joue gros avec cette opération, qui était dans les tuyaux depuis plusieurs années mais avait dû être repoussée à plusieurs reprises en raison de la volatilité des marchés et de la pandémie de Covid-19.
De plus, l’actualité récente laisse certains observateurs circonspects quant à la solidité de la demande en semi-conducteurs. Les géants technologiques comme Apple ou Microsoft ont en effet tiré la sonnette d’alarme sur un risque de ralentissement de la consommation d’appareils électroniques dans un contexte d’inflation élevée et de tensions géopolitiques.
Des signaux qui pourraient refroidir l’enthousiasme des investisseurs et compliquer la tâche de Kioxia lors de son introduction en Bourse. La société devra redoubler d’efforts pour convaincre les marchés de son potentiel de croissance et de sa capacité à tirer son épingle du jeu dans un secteur ultra-concurrentiel et volatile.
Un pari sur l’avenir des technologies
Malgré ces incertitudes, Kioxia a de solides arguments à faire valoir. La société mise notamment sur l’essor continu du marché des mémoires Flash NAND, porté par la démocratisation des objets connectés, du cloud computing et de l’intelligence artificielle. Des technologies gourmandes en puces et qui necessiteront des capacités de stockage toujours plus importantes dans les années à venir.
Par ailleurs, Kioxia compte sur son savoir-faire technologique et ses investissements dans la R&D pour se démarquer de ses concurrents. La société développe notamment des puces NAND de nouvelle génération avec des densités de stockage record, lui permettant de proposer des solutions toujours plus performantes et compétitives.
Nous sommes convaincus que la demande en puces mémoires va continuer de croître fortement dans les années à venir, tirée par la transformation numérique de tous les pans de l’économie. Avec son expertise technologique et son outil industriel de pointe, Kioxia est idéalement positionnée pour répondre à cette demande et créer de la valeur pour ses actionnaires.
Déclaration de Nobuo Hayasaka, PDG de Kioxia
Une vision ambitieuse et résolument tournée vers l’avenir que Kioxia espère faire partager aux investisseurs lors de son introduction en Bourse. Si l’opération est un succès, elle pourrait marquer un tournant pour l’industrie japonaise des semi-conducteurs et lui donner un nouveau souffle face à la concurrence internationale. Un pari technologique et stratégique que le Japon est prêt à relever pour retrouver son leadership dans ce secteur clé de l’économie mondiale.