L’enfer des gangs, voilà ce qui résume tragiquement la situation actuelle en Haïti. Ce pays des Caraïbes, déjà miné par des décennies d’instabilité politique chronique, s’enfonce inexorablement dans une crise sécuritaire et humanitaire sans précédent. Depuis le début de l’année 2024, plus de 5000 personnes ont déjà perdu la vie dans des violences orchestrées par des bandes armées qui contrôlent désormais la quasi-totalité de la capitale, Port-au-Prince.
Rien que ce week-end, au moins 184 Haïtiens ont été froidement abattus dans le quartier de Cité Soleil lors d’une énième opération sanglante menée par l’un des chefs de gang les plus redoutés de la ville. Un bilan effroyable révélé par les Nations unies, qui semble malheureusement n’être qu’une goutte d’eau dans l’océan de violence qui submerge le pays.
Port-au-Prince aux mains des gangs
Selon des sources concordantes, près de 80% du territoire de Port-au-Prince serait actuellement sous le joug de ces groupes criminels surarmés, qui imposent leur loi barbare en toute impunité. Meurtres, enlèvements, viols, extorsions… La liste des exactions commises quotidiennement est longue comme un jour sans pain. La population, prise en étau entre les tirs croisés des différentes factions rivales, vit dans la peur permanente.
Face à la terreur et à la défaillance totale des institutions étatiques, des centaines de milliers d’Haïtiens n’ont eu d’autre choix que de fuir leur foyer pour tenter de trouver refuge dans des zones moins exposées. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 700 000 personnes, dont pour moitié des enfants, ont ainsi été contraintes à un déplacement forcé. Une situation dramatique qui ne fait qu’aggraver la précarité et la détresse de tout un peuple.
Une riposte internationale timorée
Devant l’ampleur du chaos, la communauté internationale semble bien en peine d’apporter une réponse à la hauteur des enjeux. Certes, sous l’égide de l’ONU et avec le soutien de Washington, une mission multinationale de soutien à la police haïtienne a commencé à se déployer cet été, avec en tête le Kenya. Mais ses effectifs demeurent pour l’heure insuffisants et sous-équipés pour pouvoir peser réellement dans ce rapport de force inégal face aux gangs.
Cette opération est une goutte d’eau par rapport aux besoins. Sans un engagement plus massif et déterminé de la communauté internationale, Haïti risque de basculer définitivement dans le chaos.
Un diplomate occidental en poste à Port-au-Prince
Un avenir bien sombre
Alors que la violence ne cesse de s’intensifier, que l’État haïtien apparaît chaque jour plus déliquescent et que l’aide internationale se fait attendre, il est malheureusement à craindre que le pire soit encore à venir pour la population de ce pays meurtri. Sans une action d’envergure pour démanteler les gangs et restaurer l’autorité publique, c’est une véritable poudrière qui menace à tout moment d’imploser, avec des conséquences potentiellement dévastatrices à l’échelle de la région.
Car au-delà d’Haïti, c’est bien la stabilité de l’ensemble de la zone caribéenne qui pourrait être impactée par les ondes de choc d’un effondrement total de ce pays. Entre risques accrus d’une explosion migratoire incontrôlée, développement des trafics de drogues et d’armes, et menace terroriste, le spectre d’une déflagration généralisée n’est plus à exclure. Il y a urgence à agir, avant qu’il ne soit trop tard. La communauté internationale et les États de la région doivent prendre la pleine mesure de ce défi sécuritaire majeur et y apporter une réponse collective à la hauteur. L’avenir d’Haïti, et au-delà celui des Caraïbes, en dépend.
