C’est une anecdote peu connue mais savoureuse. Le mot « Francofolies », qui désigne aujourd’hui l’un des plus célèbres festivals de musique en France, est en réalité né d’un lapsus. Un matin, alors qu’il voulait évoquer la francophonie, Jean-Louis Foulquier prononce par inadvertance « Francofolies ». Immédiatement, il réalise qu’il tient là le nom idéal pour le grand rendez-vous musical qu’il rêve de créer dans sa ville natale de La Rochelle.
De la francophonie à la « francofolie »
L’idée avait germé quelques années plus tôt dans l’esprit de ce passionné de chanson française. En 1974, alors qu’il assiste à Québec à un immense concert rassemblant plus d’un million de spectateurs autour d’artistes québécois, il se dit :
S’il y a ici 6 millions de francophones qui sont capables de faire cela, alors qu’en France nous sommes 60 millions avec des chanteurs qui doivent se contenter d’assurer les premières parties des stars anglo-saxonnes, ça ne peut plus durer !
Foulquier, qui anime alors sur France Inter l’émission culte « Pollen », décide de tout mettre en œuvre pour donner aux artistes hexagonaux la place qu’ils méritent. Son lapsus sera le point de départ d’une formidable aventure.
La Rochelle, berceau des « Francos »
Très vite, La Rochelle s’impose comme le lieu idéal pour accueillir ce nouveau festival dédié aux talents français et francophones. Foulquier se souvient d’un ancien parking situé entre les célèbres tours du vieux port où il avait l’habitude de jouer enfant. L’endroit est parfait pour installer une grande scène et des gradins.
L’homme de radio parvient à convaincre la municipalité et des sponsors de le suivre dans son projet un peu fou. La première édition des Francofolies voit le jour en 1985. Pendant une semaine, têtes d’affiches confirmées et jeunes pousses de la chanson vont se succéder sur scène, pour le plus grand bonheur d’un public nombreux et enthousiaste.
Un tremplin pour les nouveaux talents
Au fil des années, les « Francos » vont s’imposer comme un rendez-vous incontournable, fréquenté à la fois par les grands noms de la chanson française et par de nombreux artistes en devenir. Foulquier aime à dire qu’il a voulu reproduire à La Rochelle « l’éventail d’une discothèque », offrant au public un savant mélange de valeurs sûres et de découvertes.
Le festival devient un véritable tremplin pour toute une nouvelle génération d’auteurs-compositeurs et d’interprètes. Certains, encore peu connus à leurs débuts aux Francofolies, y font des prestations remarquées qui vont accélérer leur carrière. Le bouche à oreille fonctionne à plein et les spectateurs se pressent pour dénicher les futures stars de la chanson.
Un ancrage local, une renommée nationale
Mais les Francofolies, ce n’est pas qu’une histoire d’artistes et de chansons. C’est aussi l’histoire d’une ville, La Rochelle, et de sa région qui vibrent chaque été au rythme des concerts. Les festivaliers investissent le vieux port et ses alentours, les terrasses des cafés ne désemplissent pas, une joyeuse effervescence règne dans les rues.
Les spectateurs viennent de toute la France, certains de l’étranger, transformant la cité portuaire en une immense scène à ciel ouvert. Beaucoup d’habitants attendent cet événement avec impatience et y participent activement, comme bénévoles ou en accueillant parfois des artistes chez eux.
Au niveau national, les « Francos » sont désormais un marqueur culturel fort, attirant les projecteurs des médias et des professionnels du spectacle vivant. Pendant une semaine, les yeux et les oreilles des amateurs de chanson française sont tournés vers La Rochelle.
L’héritage de Jean-Louis Foulquier
Pendant près de 20 ans, Jean-Louis Foulquier a orchestré ce grand rendez-vous musical avec passion et détermination. Lorsqu’il a passé le flambeau en 2004, le festival était devenu une institution, un incontournable dans l’agenda culturel français.
Disparu en 2013, Foulquier laisse derrière lui un héritage considerable. Celui d’un amoureux de la musique et de la chanson française, qui a su créer de toutes pièces un événement rassembleur et festif. En donnant naissance aux Francofolies, sur un heureux hasard, il a offert une formidable caisse de résonance aux artistes hexagonaux et francophones.
Alors que le festival s’apprête à souffler ses 40 bougies en 2024, nul doute que de là-haut, Jean-Louis Foulquier continuera de veiller sur ses « Francos ». Cette grande fête de la musique qu’il a imaginée un beau matin, en laissant libre cours, le temps d’un lapsus, à sa « francofolie ».