Au cœur de la communauté syrienne du Caire, l’effervescence est à son comble. Après des années d’exil forcé loin de leur pays natal, déchiré par une guerre civile sanglante, des milliers de réfugiés savourent un moment qu’ils n’osaient plus espérer : la chute du régime de Bachar al-Assad, qui a fui dimanche sa capitale tombée aux mains des rebelles. « Je me souviens à peine de la Syrie, confie Reda, 15 ans, qui a fui Homs assiégée il y a presque 10 ans. Mais maintenant, nous allons enfin pouvoir rentrer chez nous, dans une Syrie libérée ! »
L’exil et les retrouvailles en ligne de mire
Comme Reda, ils sont environ 1,5 million à avoir trouvé refuge en Égypte pour fuir la répression et les combats qui ont suivi le soulèvement de 2011 contre le régime. Si certains ont refait leur vie et fondé famille et entreprises au Caire, le désir de retrouver leurs proches restés au pays ne les a jamais quittés. « Je n’ai pas vu ma famille depuis 13 ans, s’émeut Mohamed, parti à 19 ans pour échapper au service militaire. Maintenant, je peux enfin rentrer. »
Sur les réseaux sociaux, c’est déjà l’heure des projets. « Ma famille me demande déjà ce que je veux manger pour mon premier repas à Damas », s’amuse le jeune homme. Même ceux qui ont pris racine en Égypte commencent à organiser leur retour. « Nous retournerons en Syrie, même si ma maison a été rasée par les bombardements », assure Mohamed, chef cuisinier de 36 ans.
La peur cède place à l’espoir
Dans les rues commerçantes syriennes de l’ouest du Caire, les drapeaux sont de sortie et l’espoir renaît après des années de peur et de déracinement. « Il n’y a plus de retour en arrière possible », se réjouit Shawkat, 35 ans, en pensant à tous ceux qui ont payé de leur vie leur combat pour la liberté. Un combat que veut honorer la jeune génération, déterminée à rebâtir le pays sur de nouvelles bases.
« Nous en avons fini avec Bachar al-Assad et son régime corrompu », clame Reda. « C’est nous, la nouvelle génération, qui allons reconstruire une Syrie meilleure ».
Des larmes de joie et de tristesse mêlées
Si la liesse et les « bonbons de la victoire » sont de mise dans le quartier syrien du Caire, l’heure est aussi au souvenir des disparus, victimes de la guerre ou des geôles du régime. Comme le père de Reda, dont la mort en détention a été confirmée l’an dernier. Ou cet ami de Yassin qui « a appelé à la liberté il y a 15 ans ». « J’aimerais tellement qu’il puisse voir ça », confie le trentenaire avec émotion.
À 30 ans, Yassin a passé la moitié de sa vie dans l’ombre de la « terreur » et des « destructions » en Syrie. Aujourd’hui, malgré « quelques craintes de voir le chaos s’installer », il veut croire en des jours meilleurs. Et surtout, retrouver cette terre qui lui a tant manqué et « reconstruire, en mieux ».