Le gouvernement français se retrouve dans une position délicate suite à la dégradation de la note de la dette publique par l’agence de notation américaine Standard & Poor’s (S&P). Cette sanction, qui intervient à quelques jours des élections européennes, met à mal la crédibilité économique de l’exécutif et soulève des inquiétudes quant à la trajectoire des finances publiques du pays.
Une première depuis 2013
C’est un coup dur pour le gouvernement. Vendredi soir, l’agence S&P a annoncé abaisser la note de la dette souveraine française d’un cran, passant de AA à AA-. Il s’agit de la première dégradation depuis 2013, même si la France avait été placée fin 2022 sous “perspective négative” par l’agence, un avertissement sur ses finances publiques.
Pour justifier sa décision, S&P pointe du doigt des déficits budgétaires plus importants que prévu entre 2023 et 2027, qui vont continuer à alourdir la dette publique en proportion du PIB. L’agence ne croit pas aux prévisions du gouvernement et table sur un déficit public de 5% en 2023 (contre 4,9% attendu par l’exécutif) et de 4,7% en 2024 (contre une prévision de 4,3%).
Le spectre d’une “spirale de la dette”
Cette dégradation fait craindre une augmentation des taux d’intérêt auxquels la France emprunte sur les marchés, ce qui renchérirait le coût de la dette. Avec une dette publique qui atteint déjà près de 3 000 milliards d’euros, soit environ 112% du PIB, le pays pourrait entrer dans une spirale dangereuse où il devrait s’endetter toujours plus pour rembourser sa dette passée.
La France doit impérativement assainir ses finances publiques pour éviter une crise de la dette incontrôlable.
– Jacques Friggit, économiste
Bruno Le Maire tente de rassurer
Face à cette situation préoccupante, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire s’est voulu rassurant lors d’une tournée médiatique ce week-end. Il a affirmé que cette dégradation “ne change[ait] rien à la politique économique menée par le gouvernement”, assurant que la France garderait des taux d’intérêt très favorables grâce à la confiance des investisseurs.
Le ministre a également défendu le bilan économique du quinquennat, mettant en avant la croissance économique retrouvée malgré la crise du Covid et les efforts pour maîtriser la dépense publique. Il a promis de nouvelles réformes structurelles pour redresser les comptes, sans préciser lesquelles.
Mauvais signal avant les européennes
Mais ces arguments peinent à convaincre, à quelques jours d’un scrutin européen à haut risque pour la majorité présidentielle. Les oppositions se saisissent de cette dégradation pour fustiger le “déni” et l'”impuissance” du gouvernement face au dérapage des déficits.
Au RN, Jordan Bardella dénonce “l’échec de la politique économique et budgétaire d’Emmanuel Macron”, tandis qu’à LFI, François Ruffin pointe une “dérive en termes de redistribution et de justice fiscale”. À droite, Les Républicains réclament “un vrai plan d’économies” et un “choc de compétitivité” pour redresser le pays.
Cette sanction de S&P tombe au plus mal pour l’exécutif et risque de parasiter son message européen d’une France en pointe sur les grands dossiers communautaires. Elle illustre aussi la persistance de fragilités économiques que le “quoi qu’il en coûte” de la crise Covid n’a pas suffi à effacer.
Reste à savoir si cet avertissement sur les finances publiques pèsera dans les urnes le 9 juin prochain. Une chose est sûre : quel que soit le résultat des européennes, l’assainissement budgétaire s’annonce comme le grand chantier économique du prochain quinquennat.