Depuis maintenant 11 nuits consécutives, les rues de Tbilissi, la capitale géorgienne, sont le théâtre d’une mobilisation inédite. Des milliers de manifestants pro-européens se rassemblent chaque soir devant le parlement pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme une dérive autoritaire et pro-russe du gouvernement. Au cœur de leurs revendications : l’avenir européen de la Géorgie, qu’ils estiment menacé par les récentes décisions du pouvoir en place.
Un vent de contestation souffle sur la Géorgie
Tout a commencé il y a près de deux semaines, lorsque le gouvernement géorgien a annoncé repousser à 2028 la « question de l’adhésion à l’Union européenne ». Une décision qui a mis le feu aux poudres dans ce pays du Caucase, où les aspirations pro-occidentales sont fortes, particulièrement au sein de la jeunesse et des milieux urbains.
Chaque nuit depuis, le même scénario se répète : des milliers de Géorgiens, drapés des couleurs de l’UE et agitant des drapeaux européens, convergent vers le parlement de Tbilissi. Là, ils tapent sur les barrières métalliques, font retentir klaxons et sifflets, brandissent des pancartes hostiles au pouvoir. Leur message est clair : la Géorgie doit poursuivre sa route vers l’Europe, et le gouvernement actuel est un obstacle sur ce chemin.
Un mouvement qui s’enracine malgré la répression
Face à cette fronde qui s’amplifie, la réponse des autorités oscille entre fermeté et tentative de diversion. Chaque nuit ou presque, la police disperse les rassemblements à coup de canons à eau et de gaz lacrymogène. Des affrontements sporadiques éclatent avec des manifestants qui répliquent en lançant des pierres et des feux d’artifice.
Malgré cette répression, le mouvement ne semble pas faiblir. Au contraire, il gagne en organisation et en détermination. « Ils ne peuvent pas nous faire peur. Nous n’allons pas nous arrêter », assure Nino, une jeune manifestante de 27 ans. Derrières leurs masques, beaucoup disent craindre pour leur sécurité, mais se sentent portés par un élan qui les dépasse.
Ce qu’ils font est dégoûtant. C’est horrible, c’est méchant…mais nous sommes ici aujourd’hui.
Valeria, étudiante de 21 ans
Le spectre de l’influence russe
Car au-delà de la question européenne, c’est l’avenir géopolitique de la Géorgie qui se joue dans ces manifestations. Beaucoup soupçonnent le gouvernement, issu du parti « Rêve géorgien », de jouer un double jeu dangereux avec la Russie. Officiellement, il se dit toujours favorable à une adhésion à l’UE à l’horizon 2030. Mais dans les faits, il est accusé de céder face aux pressions de Moscou et de renoncer peu à peu aux réformes démocratiques nécessaires pour se rapprocher des standards européens.
Cette crise politique intervient dans un contexte régional tendu, où l’influence russe ne cesse de s’affirmer. La Géorgie, qui a déjà perdu le contrôle de deux régions séparatistes pro-russes lors d’une guerre éclair en 2008, redoute de voir sa souveraineté à nouveau menacée. Pour beaucoup de manifestants, l’ancrage européen est vu comme le meilleur rempart face à ces périls.
Un bras de fer qui s’enlise
Mais pour l’heure, aucune issue ne semble en vue. Le gouvernement campe sur ses positions et dénonce une tentative de « révolution » fomentée depuis l’étranger. L’opposition, elle, appelle à intensifier la pression de la rue jusqu’à obtenir de nouvelles élections. Et chaque soir, les manifestants reviennent par milliers, déterminés à ne rien lâcher.
Une chose est sûre : le bras de fer entre les pro-européens géorgiens et leur gouvernement est loin d’être terminé. Et dans ce petit pays du Caucase, l’enjeu dépasse largement ses frontières. Car c’est aussi l’éternel affrontement entre deux visions de l’avenir qui se joue ici : celle d’une Géorgie résolument tournée vers l’Ouest, et celle d’un pays qui renouerait, bon gré mal gré, avec son passé soviétique. L’issue de ce combat dira beaucoup de la géopolitique à venir dans cette région charnière du monde.