Face à la crise qui frappe l’industrie sidérurgique allemande, le chancelier Olaf Scholz n’écarte pas l’hypothèse d’une participation de l’État au capital du géant de l’acier Thyssenkrupp. Une perspective qui soulève des interrogations sur l’avenir du secteur et le rôle des pouvoirs publics dans l’économie.
Un plan de sauvetage pour une industrie en péril
Interrogé sur la possibilité d’une entrée de l’État allemand au capital de la branche acier de Thyssenkrupp, en proie à de sérieuses difficultés, le chancelier Olaf Scholz a déclaré vendredi dernier qu’il « n’écartait aucune option à ce stade ». Des propos qui interviennent à la veille d’un sommet sur l’acier prévu lundi à la Chancellerie, en présence de représentants de l’industrie et des syndicats.
La situation est en effet préoccupante pour le secteur sidérurgique allemand, mis à mal par la concurrence chinoise et les coûts liés à la transition écologique. Thyssenkrupp, en particulier, a annoncé fin novembre la suppression de 11 000 emplois sur 27 000 d’ici 2030 dans sa branche acier, ainsi qu’une réduction de la production de ses hauts fourneaux.
Si l’État doit s’engager financièrement, cela restera « limité dans le temps » et visera à « aider les entreprises à surmonter les périodes difficiles, afin d’éviter que des investissements échouent à cause d’un manque de fonds propres ».
Olaf Scholz, chancelier allemand
Un soutien public encadré et stratégique
Le chancelier a néanmoins précisé que toute participation publique serait limitée dans le temps et aurait pour objectif d’aider les entreprises à traverser une passe difficile, en évitant que des investissements ne soient abandonnés faute de capitaux suffisants. Il a également souligné l’importance de trois facteurs clés pour l’avenir de la sidérurgie :
- Un prix de l’électricité stable pour permettre une production d’acier écologique
- Des aides publiques massives pour soutenir les investissements dans des solutions alternatives aux hauts fourneaux à charbon
- Une protection accrue face aux importations d’acier bon marché
Sur ce dernier point, Olaf Scholz a appelé la Commission européenne à agir, estimant qu’il était nécessaire de « renforcer la protection pour l’Europe » face à la concurrence déloyale.
L’acier, un enjeu stratégique pour l’Allemagne
Au-delà des difficultés conjoncturelles, le chancelier a rappelé que l’acier était un matériau qui accompagnerait l’industrie allemande « pendant encore des siècles ». À ce titre, il considère comme « essentiel de garantir à long terme la production d’acier en Allemagne », un secteur revêtant selon lui une « importance géostratégique ».
Cette prise de position intervient dans un contexte de débat sur le rôle de l’État dans l’économie et sur les limites de l’interventionnisme public. Si certains y voient un moyen de préserver des industries stratégiques et des emplois, d’autres s’inquiètent des risques de distorsion de concurrence et de l’utilisation de l’argent du contribuable.
Des précédents qui font débat
L’éventualité d’une prise de participation publique dans Thyssenkrupp n’est pas sans rappeler d’autres interventions récentes de l’État allemand dans des entreprises en difficulté. On peut citer le sauvetage du chantier naval Meyer-Werft, de la compagnie énergétique Uniper ou encore de la Lufthansa pendant la crise du Covid-19.
Ces opérations ont suscité des réactions contrastées, entre ceux qui saluent la capacité de l’État à voler au secours d’acteurs économiques majeurs et ceux qui dénoncent une forme de « capitalisme d’État » susceptible de fausser le jeu de la concurrence. Le débat promet d’être animé dans les prochains mois, à mesure que se préciseront les contours du plan de sauvetage de la sidérurgie allemande.
Vers une refonte du modèle industriel allemand ?
Plus largement, la crise qui frappe l’industrie sidérurgique interroge sur la pérennité du modèle industriel allemand, fondé sur des champions nationaux dans des secteurs clés comme l’automobile, la chimie ou la mécanique. Face aux défis de la mondialisation et de la transition écologique, ce modèle montre ses limites et appelle des adaptations profondes.
Dans ce contexte, l’intervention de l’État apparaît comme un levier parmi d’autres pour accompagner la mutation de l’industrie allemande. Mais elle ne saurait se substituer à une réflexion de fond sur les atouts compétitifs du pays et sur les moyens de les pérenniser dans un environnement en pleine évolution.
Le sommet de lundi sera l’occasion pour le gouvernement et les acteurs de la sidérurgie d’esquisser des pistes en ce sens. Avec en toile de fond, l’enjeu crucial de préserver un tissu industriel pourvoyeur de centaines de milliers d’emplois, tout en répondant à l’urgence climatique et aux défis de la compétition internationale.