Depuis le 27 novembre, la Syrie vit un véritable séisme. En seulement quelques jours, les rebelles islamistes ont conquis coup sur coup Alep, deuxième ville du pays, puis Hama. Désormais aux portes de Homs, ils ne sont plus qu’à 150 km de Damas et menacent directement le cœur du régime de Bachar al-Assad. Face à cette avancée éclair, Moscou et Washington appellent leurs ressortissants à quitter le pays de toute urgence.
Alep tombe en 4 jours, les rebelles foncent vers le sud
Tout s’est emballé le 27 novembre quand les rebelles du groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTC), liés à Al-Qaïda, ont lancé l’assaut sur Alep, la grande ville du nord jusqu’ici contrôlée par le régime. En seulement 96 heures, les quartiers sont tombés les uns après les autres. L’armée syrienne, visiblement surprise, n’a opposé qu’une faible résistance avant de battre en retraite.
Galvanisés par ce succès, les rebelles ont immédiatement poursuivi leur offensive vers le sud, s’emparant dès le 4 décembre de Hama, autre ville clé à mi-chemin de Damas. Depuis, ils ne sont plus qu’à une centaine de kilomètres de Homs, verrou stratégique avant la capitale. Des sources locales rapportent que les troupes de Bachar al-Assad n’opposent qu’une résistance sporadique.
Le régime syrien au bord de l’effondrement
Après plus de 10 ans de guerre, le régime de Damas semble cette fois au bord du gouffre. Affaibli par les sanctions internationales, miné par la corruption et les défections, il peine visiblement à endiguer l’avancée rebelle. Selon des experts, ses capacités militaires seraient réduites à peau de chagrin, avec une aviation obsolète et des troupes démoralisées.
La Syrie va exploser en quelque chose qui ressemblera à la Libye.
Fabrice Balanche, spécialiste de la Syrie
Sur le terrain, les rebelles tirent un maximum profit des faiblesses du régime. Outre les prises de villes spectaculaires, ils grignotent chaque jour du terrain, y compris au sud de Damas, jusque-là considéré comme un bastion imprenable pour Bachar al-Assad. D’après un diplomate occidental, « un effondrement du régime dans les prochaines semaines n’est plus à exclure ».
Panique chez les soutiens de Damas
Signe de la gravité de la situation, les principaux alliés du régime syrien semblent céder à la panique. Ce vendredi, la Russie, qui dispose de bases militaires dans le pays, a demandé à ses ressortissants de quitter le territoire « dans les plus brefs délais ». Quelques heures plus tard, les États-Unis en faisaient de même, appelant les citoyens américains à profiter « des derniers vols commerciaux disponibles ».
Selon le New York Times, l’Iran, autre soutien clé de Damas, aurait déjà commencé à évacuer en catastrophe son personnel militaire et diplomatique. Une information non confirmée, mais qui témoigne de la fébrilité ambiante à Téhéran. Ce week-end, les chefs de la diplomatie russe, turque et iranienne doivent se retrouver en urgence à Doha pour tenter de trouver une issue à la crise.
Pourquoi une telle débâcle du régime ?
Comment expliquer un tel effondrement en si peu de temps ? Pour de nombreux analystes, le régime paie au prix fort des années d’usure et d’affaiblissement :
- Économie exsangue et corruption endémique
- Désertion massive dans l’armée, mal équipée et démoralisée
- Perte de soutiens clés à l’international (Russie et Iran)
- Montée en puissance des rebelles, mieux armés et organisés
Face à cette situation, Bachar al-Assad semble aujourd’hui plus isolé que jamais. Selon une source proche du palais présidentiel à Damas, des plans d’évacuation d’urgence vers un pays ami seraient à l’étude pour sa famille et ses proches. Un scénario encore impensable il y a quelques jours, mais qui prend corps face à l’avancée inexorable des rebelles.
Quel avenir pour la Syrie ?
Si la chute de Bachar al-Assad se confirmait, la Syrie entrerait dans une nouvelle phase d’incertitude. Les rebelles de HTC, malgré un vernis de respectabilité, restent un groupe proche d’Al-Qaïda, dont l’objectif est d’instaurer un « califat islamique » sur le modèle de l’ancien État islamique.
Les djihadistes cherchent à réinstaurer un califat comme à l’époque de Daech.
Patrice Franceschi, écrivain et spécialiste de la Syrie
Une perspective qui inquiète les puissances occidentales, mais aussi les pays voisins comme la Turquie ou la Jordanie. Sans parler des minorités ethniques et religieuses, comme les Kurdes ou les chrétiens, qui craignent de subir des représailles.
Pour l’heure, rebelles et régime se livrent une bataille sans merci pour Homs, qui pourrait sceller le sort du conflit. Si la ville tombe, plus rien ne semble pouvoir stopper les islamistes sur la route de Damas. Un scénario catastrophe que cherchent à tout prix à éviter les diplomates, mais qui semble chaque jour un peu plus inéluctable sur le terrain des combats.