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Négociations sur l’accord pandémique à Genève : l’impasse persiste

Depuis 5 jours, les diplomates de l'OMS négocient à Genève un accord crucial pour mieux prévenir et gérer les futures pandémies. Mais malgré l'urgence, les discussions piétinent, parasitées par les divergences Nord-Sud sur le partage des vaccins et des données pathogènes. Un échec qui fait craindre le pire pour la suite...

Genève, épicentre de la diplomatie sanitaire mondiale. Depuis lundi, les représentants des 194 États membres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sont réunis au siège de l’agence onusienne. L’enjeu : tenter de s’accorder enfin sur un traité international pour mieux prévenir et gérer les pandémies futures, trois ans après le choc du Covid-19 et ses ravages planétaires. Une urgence absolue, alors que de nouvelles menaces sanitaires émergent aux quatre coins du globe. Pourtant, après cinq jours de négociations marathons, force est de constater que les diplomates font du surplace. Les lignes de fracture restent béantes entre pays riches et pays pauvres.

Des divergences profondes sur les questions clés

À l’origine du blocage : le partage des données sur les agents pathogènes émergents et les bénéfices qui en découlent, à savoir les vaccins, tests et traitements. Un point crucial pour les pays du Sud, qui réclament plus d’équité après les scandaleuses inégalités d’accès aux outils anti-Covid. Mais les nations développées, où les géants pharmaceutiques pèsent lourd, freinent des quatre fers. D’autres sujets tout aussi épineux empoisonnent les pourparlers :

  • La surveillance des risques pandémiques et le déclenchement de l’alerte
  • Les liens entre santé humaine, animale et environnementale (approche « One Health »)
  • Le transfert de technologies pour produire localement des contre-mesures médicales
  • Le financement de la préparation et de la riposte aux crises sanitaires

Malgré quelques timides avancées, de vastes pans du projet d’accord restent entre parenthèses, signe de profondes divisions. Le temps presse pourtant, puisque les négociations doivent impérativement aboutir d’ici mai 2024, date butoir fixée par l’Assemblée mondiale de la santé.

Les ONG montent au créneau

Face à l’enlisement, la société civile perd patience. Ce vendredi, lors d’une session ouverte aux ONG, les appels à un sursaut se sont multipliés. Pour Élodie Jambert, d’Oxfam France, « il est encore temps pour les États d’être du bon côté de l’Histoire en signant un accord ambitieux qui protège vraiment tout le monde ». Mais cela exige des « compromis » de part et d’autre, insiste un collectif d’une vingtaine d’organisations.

Concentrez-vous sur la mise en place d’un cadre robuste dont la pierre angulaire est l’équité.

Un représentant de l’ONG Four Paws

L’heure n’est plus aux atermoiements mais à l’action, martèlent les défenseurs de la santé mondiale. Et de rappeler que les épizooties actuelles de grippe aviaire ou du mpox « nous envoient un message très clair, que nous ignorons à nos risques et périls », dixit un porte-parole d’Action for Animal Health.

L’ombre de Donald Trump et Elon Musk

Les négociations se déroulent aussi sous la menace d’une présidence Trump bis. Le retour du milliardaire climato-sceptique et complotiste à la Maison Blanche en janvier 2025 plane comme une épée de Damoclès. Farouchement hostile à l’OMS, qu’il accuse d’être une marionnette de Pékin, Donald Trump avait claqué la porte de l’organisation en pleine pandémie. Son nouveau ministre de la Santé, le sulfureux Robert F. Kennedy Jr, est un anti-vaccins notoire. De quoi doucher les espoirs de progrès.

Dans le camp populiste, un autre ponte sème le trouble : Elon Musk. Le patron de Tesla, soutien actif de Donald Trump, a appelé en 2023 les pays à « ne pas céder leur autorité à l’OMS », propageant de fausses rumeurs sur une perte de souveraineté. De la pure désinformation, s’insurge l’agence, qui rappelle que l’accord en discussion n’octroie « aucun pouvoir pour dicter des lois ou des mesures contraignantes ».

La peur d’un « accord au rabais »

Dans ce contexte houleux, difficile d’être optimiste. Beaucoup redoutent qu’au final, la montagne n’accouche que d’une souris. « Notre crainte est de nous retrouver avec un accord a minima, juste pour sauver les apparences, mais qui sera inefficace sur le terrain », confie un expert proche des discussions. Une inquiétude partagée par de nombreux observateurs.

Face au risque de blocage, certains évoquent un plan B : conclure dans un premier temps un « accord-cadre » avec les grands principes, quitte à négocier les détails techniques plus tard. Mais c’est loin d’être idéal, comme le souligne un diplomate européen :

Si on reporte les sujets qui fâchent, on risque de ne jamais les résoudre et de se retrouver désarmés quand la prochaine pandémie frappera.

Un diplomate européen

La pression est donc maximale sur les négociateurs pour arracher un deal ambitieux dans les mois qui viennent. Mais à ce stade, l’issue reste incertaine. Et c’est toute la sécurité sanitaire mondiale qui est en jeu. Les prochaines séances s’annoncent décisives pour éviter le pire scénario : des discussions qui s’enlisent et un traité mort-né. Avec à la clé, un monde toujours aussi vulnérable et démuni face aux futures crises pandémiques. Une perspective terrifiante.

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