Presque 53 ans après le tragique « Bloody Sunday » qui a marqué l’histoire de l’Irlande du Nord, la quête de justice des familles des victimes semble enfin aboutir. Un ancien soldat britannique, dissimulé derrière le pseudonyme de « soldat F », devra répondre de ses actes devant le tribunal de Belfast dans les prochains mois.
Inculpé pour deux meurtres et cinq tentatives de meurtre
Le « soldat F » est accusé d’avoir commis deux meurtres lors du « Dimanche sanglant » du 30 janvier 1972 à Londonderry, ceux de James Wray et William McKinney. Il devra également faire face à cinq chefs d’accusation pour tentatives de meurtre. Malgré sa demande d’abandon de l’affaire pour « insuffisance de preuves » en juin dernier, le juge de la Haute-Cour de Belfast a tranché : le procès aura bien lieu, probablement au début de l’année 2025.
Anonymat préservé pendant le procès
Pour des raisons de sécurité, l’identité du « soldat F » restera secrète tout au long de la procédure judiciaire. Lors de son passage au tribunal, il était dissimulé derrière un rideau pour protéger son anonymat. Une mesure jugée nécessaire par le juge, les avocats de l’accusé ayant exprimé leur crainte qu’il ne devienne « une cible de choix ».
Une « bonne journée pour les victimes »
Mickey McKinney, le frère de l’une des victimes, William McKinney, a salué la décision du tribunal. Pour lui, il s’agit d’une « bonne journée pour les victimes » qui attendent que justice soit rendue depuis plus d’un demi-siècle.
Le lourd passé du conflit nord-irlandais
Le « Bloody Sunday » reste l’un des épisodes les plus sombres du conflit nord-irlandais qui a déchiré la province pendant trois décennies. Ce jour-là, 13 manifestants catholiques qui défilaient pacifiquement contre l’internement sans procès ont été abattus par des soldats britanniques. Un événement qui a profondément marqué les esprits et attisé les tensions entre nationalistes, principalement catholiques et favorables à la réunification de l’île d’Irlande, et loyalistes, essentiellement protestants et attachés au maintien de la province sous la couronne britannique.
Un long chemin vers la vérité et la justice
La route vers la reconnaissance de la vérité et l’établissement des responsabilités aura été semée d’embûches. Il aura fallu attendre 2010, soit 38 ans après les faits, et la publication d’un rapport de 5000 pages fruit de douze années d’enquête, pour que soit enfin reconnue l’innocence des victimes. Un premier pas, après une enquête initiale bâclée qui avait exonéré les soldats et jeté l’opprobre sur les manifestants.
La justice a été trop longtemps différée pour les familles du « Bloody Sunday ». Ce procès est une étape cruciale pour établir les responsabilités et permettre aux proches des victimes de tourner enfin la page sur ce douloureux chapitre de l’histoire nord-irlandaise.
Une source proche du dossier
Un précédent dans les poursuites contre les soldats britanniques
Depuis la fin du conflit nord-irlandais avec l’accord du Vendredi Saint en 1998, les poursuites contre les soldats britanniques impliqués dans des violences durant « les Troubles » restent exceptionnelles. À ce jour, un seul ancien soldat a été condamné. Il s’agit de David Holden, qui avait tué un homme d’une balle dans le dos à un check-point en 1988. Il a écopé début 2023 d’une peine de trois ans avec sursis.
Le procès à venir du « soldat F » s’annonce donc comme un événement sans précédent, un tournant dans la douloureuse quête de vérité et de justice des familles des victimes du « Bloody Sunday ». Près de 53 ans après ce dimanche noir, les plaies de l’Irlande du Nord peinent toujours à cicatriser. Ce procès sera-t-il enfin le début d’une nécessaire catharsis ?