Un bras de fer intense se joue actuellement en Inde entre les agriculteurs et le gouvernement. D’après nos sources, la police indienne a dû avoir recours à des tirs de gaz lacrymogènes ce vendredi pour empêcher des milliers d’agriculteurs en colère de marcher vers la capitale New Delhi. Leur revendication : obtenir des prix garantis pour leurs récoltes, un combat de longue date pour la paysannerie indienne.
Les autorités ont érigé d’imposantes barricades en béton et des rouleaux de barbelés à environ 200 km au nord de Delhi pour bloquer l’avancée des manifestants. Les services internet mobile ont également été coupés le long du trajet prévu afin de perturber les communications entre agriculteurs. Malgré cela, certains protestataires, drapeaux syndicaux à la main, ont réussi à franchir une première ligne de barricades avant d’être stoppés par les forces de l’ordre.
Un lourd contentieux avec le gouvernement Modi
Les responsables syndicaux dénoncent l’absence de dialogue avec le gouvernement de Narendra Modi. Selon un leader paysan qui s’est confié à la presse, seules quatre séries de négociations ont eu lieu en février, sans qu’aucune autre rencontre ne soit organisée depuis. Les agriculteurs réclament notamment une loi garantissant un prix plancher pour leurs productions.
Ce mouvement de contestation n’est pas nouveau. Déjà en 2020-2021, une mobilisation massive et prolongée avait secoué l’Inde rurale, contraignant le Premier ministre Modi à abroger une réforme agricole très controversée. Les paysans avaient alors réussi un coup d’éclat en prenant d’assaut le Fort rouge, monument emblématique de Delhi.
L’agriculture, un secteur crucial mais en crise
Il faut dire que l’enjeu est de taille. En Inde, deux tiers des 1,4 milliard d’habitants vivent encore de l’agriculture. Ce secteur pèse pour près de 20% du PIB national. Mais les petits paysans souffrent de la chute des prix agricoles et de l’endettement chronique.
Outre un soutien des prix, les manifestants exigent l’annulation de leurs prêts et de meilleures compensations pour les terres expropriées par le passé au profit de projets publics. Un responsable syndical insiste : « Nous voulons que le gouvernement nous laisse exercer notre droit démocratique à manifester« .
Un bras de fer à forte charge politique
Dans un pays encore largement rural, les agriculteurs représentent une force politique considérable. Leur capacité de mobilisation inquiète au plus haut point le gouvernement nationaliste hindou. D’autant que ces manifestations interviennent au moment même où le Parlement est en session.
Le pouvoir a jusqu’ici échoué à réformer en profondeur le secteur agricole, encore très administré et peu productif. Il craint qu’un nouveau bras de fer ne paralyse l’agenda des réformes économiques. Mais en face, le mouvement paysan ne compte pas désarmer, comme le prouve cette « Marche vers Delhi » malgré les gaz lacrymogènes. L’Inde rurale gronde, et le gouvernement Modi va devoir manœuvrer avec précaution pour éviter une crise politique majeure.