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Violences Post-Électorales Meurtrières au Mozambique

Un lourd bilan humain de 90 morts dans les violences post-électorales qui secouent le Mozambique depuis les élections contestées du 9 octobre. L'opposition, qui affirme avoir gagné, manifeste dans les rues malgré la répression. La démocratie vacille dans ce pays d'Afrique australe où...

Le Mozambique est secoué par une vague de violences meurtrières depuis les élections générales du 9 octobre dernier, entachées de nombreuses irrégularités. Selon un bilan publié par l’ONG locale Plataforma Decide, au moins 90 personnes auraient perdu la vie dans ces troubles post-électoraux qui ne faiblissent pas. Une situation explosive qui fait craindre pour la stabilité démocratique de ce pays lusophone d’Afrique australe.

Une opposition qui conteste les résultats dans la rue

Dès l’annonce des premiers résultats donnant la victoire au parti historique Frelimo, au pouvoir sans discontinuer depuis l’indépendance en 1975, l’opposition est descendue dans la rue pour dénoncer un scrutin qu’elle estime truqué. Venancio Mondlane, le principal opposant et candidat malheureux à la présidentielle, affirme avoir recueilli plus de 53% des voix, contre seulement 36% pour le candidat officiel du Frelimo Daniel Chapo, donné vainqueur avec 71% par la commission électorale.

Une version contestée par le pouvoir en place, qui assure que le processus électoral s’est déroulé de manière libre et transparente. Mais l’opposition ne désarme pas et a intensifié ses actions de protestation mercredi, se heurtant à la répression des forces de l’ordre. Selon des sources locales de la société civile, plusieurs manifestants auraient été tués par balles lors de l’intervention musclée de la police pour disperser un rassemblement devant la résidence du gouverneur à Nampula.

Un bilan humain qui ne cesse de s’alourdir

Au total, le mouvement Plataforma Decide a recensé au moins 90 morts dans ces violences post-électorales qui durent maintenant depuis plus de 3 semaines. Un bilan provisoire qui risque encore de s’aggraver, alors que l’opposition appelle à poursuivre la mobilisation malgré la répression.

« Cette fois-ci, nous ne ferons pas tous Noël, parce que les gens seront dans les rues, sur les routes »

a prévenu Venancio Mondlane dans un direct sur les réseaux sociaux, signe que la contestation est loin de s’essouffler.

De son côté, la police a admis un bilan humain de 5 morts mercredi, reconnaissant avoir ouvert le feu sur des manifestants, dont « certains écrasés et battus ». Mais elle assure qu’aucune des victimes n’était policier. Des versions qui peinent à convaincre la société civile, indignée par cette sanglante répression de l’opposition.

Un test pour la fragile démocratie mozambicaine

Cette crise post-électorale constitue un véritable test pour la démocratie encore fragile du Mozambique. Après 15 années de guerre civile, le pays avait tourné la page du parti unique en 1990 et organisé ses premières élections multipartites en 1994. Mais le Frelimo, toujours dominant, est régulièrement accusé par l’opposition de fraudes et d’usage de la force pour conserver son emprise sur le pouvoir.

Les dernières élections générales de 2019, déjà émaillées d’irrégularités, s’étaient soldées par la victoire du candidat du parti au pouvoir Filipe Nyusi. Cette fois-ci, l’opposition, galvanisée par le soutien populaire, semble déterminée à aller jusqu’au bout pour faire valoir ce qu’elle considère comme sa victoire légitime dans les urnes. Quitte à défier le pouvoir dans la rue au prix de lourdes pertes humaines.

La situation est d’autant plus préoccupante que le pays reste fragilisé par les séquelles de la guerre civile et les tensions entre le Frelimo et la Renamo, l’ex-rébellion devenue principal parti d’opposition. Malgré un accord de paix signé en 2019, la méfiance reste grande entre les deux anciens frères ennemis. Et la crispation politique actuelle fait resurgir le spectre des vieux démons.

La communauté internationale appelle au calme

Face à cette dangereuse escalade, la communauté internationale a appelé toutes les parties à la retenue. Dans un communiqué, l’Union Européenne s’est dite « préoccupée » par les informations sur des violences et intimide les autorités mozambicaines à faire la lumière sur ces incidents à travers une enquête « prompte et transparente ». Un message similaire a été adressé par les États-Unis et l’Union Africaine.

Mais pour l’instant, le pouvoir mozambicain campe sur ses positions, rejetant les accusations de fraude et assurant avoir agi dans le cadre de la loi pour maintenir l’ordre public face à des « actes de vandalisme ». Il promet la tenue prochaine d’un second tour de la présidentielle si les recours de l’opposition aboutissent devant le Conseil Constitutionnel, qui doit se prononcer d’ici janvier.

D’ici là, le pays retient son souffle et redoute de nouvelles flambées de violences. Car les tensions demeurent vives et la rue ne semble pas prête à se démobiliser, comme en témoignent les nouveaux appels à manifester de l’opposition pour les semaines à venir. Une situation éminemment volatile, avec le risque d’un engrenage fatal pour ce pays qui rêvait d’écrire une nouvelle page de son histoire démocratique.

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