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Manifestations pro-rupture avec la France à N’Djamena

Alors que le Tchad traverse une période de transition politique délicate, des centaines de jeunes descendent dans les rues de la capitale N'Djamena pour clamer leur soutien à la rupture des accords...

En cette fin novembre 2024, les rues de N’Djamena, la capitale tchadienne, résonnent des slogans patriotiques scandés par des centaines de jeunes manifestants. Rassemblés aux abords du stade de la ville, ils brandissent fièrement des drapeaux aux couleurs nationales et des pancartes clamant « Tchad hourra, France barra » (« Tchad hourra, France dehors »). Une atmosphère de ferveur citoyenne qui traduit le soutien populaire à la décision historique du gouvernement tchadien de rompre les accords militaires qui liaient le pays à son ancienne puissance coloniale.

Une jeunesse avide de souveraineté

Près des deux tiers des manifestants présents sont des mineurs, symboles d’une génération qui aspire à voir son pays tracer sa propre voie, loin de l’influence française. Pour Abdel daim Abdallah Ousmane, secrétaire général du Conseil supérieur des affaires islamiques et figure respectée, cette rupture est une étape nécessaire après 60 ans de coopération :

Nous n’avons plus besoin de militaires français, nous avons une armée capable de défendre notre pays.

Abdel daim Abdallah Ousmane

Une position ferme, mais qui ne se veut pas hostile envers la France. Les organisateurs insistent sur le caractère pacifique du rassemblement, autorisé par les autorités à l’intérieur du stade mais interdit sur la voie publique. Malgré quelques débordements en marge, la manifestation se déroule sans incident majeur.

Une « mission historique » pour tourner la page

La dénonciation des accords de défense, annoncée fin novembre à la surprise de Paris, marque un tournant décisif pour le Tchad. Dernier pays du Sahel à accueillir des troupes françaises sur son sol, il emboîte ainsi le pas à ses voisins malien, burkinabé et nigérien, qui ont tour à tour demandé le départ des forces françaises ces derniers mois. Une commission spéciale a été mise sur pied pour orchestrer cette « mission historique », signe de la détermination du pouvoir en place.

Cette volonté d’émancipation intervient dans un contexte de transition politique délicat pour le Tchad, suite au coup d’état qui a porté au pouvoir le général Mahamat Idriss Déby en 2020, avant sa légitimation contestée par une élection présidentielle en avril dernier. Le pays fait face à de multiples défis sécuritaires et humanitaires, entre les attaques jihadistes de Boko Haram dans le nord-ouest, l’afflux de réfugiés soudanais et les ravages provoqués par une saison des pluies d’une intensité sans précédent.

Paris pris de court mais déterminé au dialogue

Si la décision tchadienne a pris de court la diplomatie française, déjà ébranlée par les revers essuyés dans d’autres pays de la région, Paris assure vouloir maintenir le dialogue avec N’Djamena. Le porte-parole du Quai d’Orsay, Christophe Lemoine, a indiqué que des discussions étaient en cours pour définir de nouvelles modalités de coopération, alors qu’une réflexion plus large sur la révision du dispositif militaire français en Afrique a été engagée.

Une page se tourne indéniablement dans les relations franco-tchadiennes, et plus largement dans les équilibres géopolitiques de la région sahélienne. L’avenir dira si cette émancipation affichée se traduira par une stabilisation durable du Tchad et un renforcement de sa souveraineté, ou si elle ouvrira la voie à de nouvelles turbulences. Une chose est sûre : la jeunesse tchadienne, fer de lance de ces manifestations pro-rupture, entend bien peser de tout son poids sur le destin de son pays.

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