L’ombre du passé semble rattraper l’Afrique du Sud, près de 30 ans après la fin de l’apartheid. Janusz Walus, l’assassin du militant anti-apartheid Chris Hani, va être expulsé ce vendredi vers la Pologne, son pays d’origine. Une décision qui ravive les plaies d’une nation encore marquée par les cicatrices de la ségrégation raciale.
Un crime qui a ébranlé une nation en transition
Le meurtre de Chris Hani, haut responsable du Congrès National Africain (ANC), avait provoqué un séisme politique en Afrique du Sud en avril 1993. Le pays était alors engagé dans de délicates négociations en vue des premières élections démocratiques, après des décennies de domination de la minorité blanche. La mort violente de ce héros de la lutte anti-apartheid avait exacerbé les tensions raciales, faisant craindre une guerre civile.
Janusz Walus, immigré polonais lié à l’extrême droite blanche afrikaner, avait été arrêté quelques minutes après les faits. Condamné à mort en 1993, il avait finalement vu sa peine commuée en prison à vie en 2000. Malgré de multiples demandes, toutes ses requêtes de libération conditionnelle avaient été rejetées pendant plus de 10 ans.
Une libération controversée
C’est finalement en novembre 2022 que la plus haute cour sud-africaine a ordonné sa remise en liberté anticipée, assortie de deux ans de liberté conditionnelle. Une décision qui a suscité l’incompréhension et la colère de nombreux Sud-Africains, pour qui la mémoire de Chris Hani est sacrée. Lui qui incarnait l’espoir d’un avenir meilleur, faisant figure de successeur potentiel de Nelson Mandela.
Janusz Walus, aujourd’hui âgé de 71 ans, a quitté la prison le 7 décembre dernier après plus de 30 ans derrière les barreaux. Mais sa libération sous conditions n’aura duré que quelques mois. Les autorités sud-africaines ont en effet décidé de l’expulser vers la Pologne, son pays de naissance dont il avait conservé la nationalité jusqu’en 2017.
Le spectre de l’extrémisme racial
Pour beaucoup, Janusz Walus reste le symbole d’un passé que l’Afrique du Sud peine à dépasser. Son geste, motivé par un extrémisme racial aveugle, avait failli faire dérailler le processus de transition démocratique.
Il était important de ne pas laisser cet assassinat saboter les négociations en cours entre le pouvoir blanc et les mouvements anti-apartheid. C’était l’objectif de Chris Hani.
explique un ancien compagnon de lutte
Près de trois décennies plus tard, les fantômes du racisme et des inégalités continuent de hanter la nation arc-en-ciel. L’expulsion de Janusz Walus, si elle met un terme à une séquence judiciaire douloureuse, ne suffira pas à refermer les blessures mémorielles. Chaque année, des milliers de Sud-Africains commémorent la mort de Chris Hani, entretenant la flamme de ce leader charismatique fauché en pleine ascension.
Le défi de la réconciliation
Au-delà du sort individuel de Janusz Walus, c’est toute la société sud-africaine qui doit poursuivre son chemin vers la réconciliation et le pardon. Un processus long et semé d’embûches, comme en témoigne le réveil des tensions provoqué par cette affaire.
Pour le gouvernement, il s’agit désormais de tourner la page en renvoyant le meurtrier dans son pays d’origine, sans pour autant oublier les leçons du passé. Le défi est immense : bâtir une nation unie et apaisée, où la couleur de peau ne sera plus jamais un motif de haine et de violence. Un horizon vers lequel tend l’Afrique du Sud, malgré les obstacles et les démons qui jalonnent encore sa route.
L’expulsion de Janusz Walus marque peut-être la fin d’un chapitre sombre de l’histoire sud-africaine. Mais le livre de la lutte contre le racisme et pour l’égalité est loin d’être refermé. À l’image de Chris Hani, héros tombé pour la liberté, tout un peuple doit continuer à se battre pour un avenir meilleur. Un combat de chaque instant, pour que plus jamais les haines raciales ne viennent déchirer le pays de Nelson Mandela.