En Corée du Sud, un scandale politique vient de mettre en lumière l’influence des réseaux tissés dès le lycée au plus haut sommet de l’État. Au cœur de l’affaire : la tentative avortée du président Yoon Suk Yeol d’instaurer la loi martiale, avec la complicité de plusieurs hauts responsables. Point commun entre ces protagonistes ? Ils sont tous diplômés du même établissement, le prestigieux lycée pour garçons Choongam à Séoul.
Un coup de force qui tourne court
Mardi soir, le président Yoon proclame à la surprise générale la loi martiale. Mais à peine six heures plus tard, sous la pression du Parlement et de la rue, il est contraint de faire marche arrière. Outre Yoon lui-même, son ministre de la Défense Kim Yong-hyun, démissionnaire depuis, ainsi que le ministre de l’Intérieur Lee Sang-min et le chef du renseignement sont également pointés du doigt pour leur rôle dans cette tentative de coup de force. Tous ont en commun d’avoir étudié au lycée Choongam.
Le lycée Choongam sur la sellette
Face au déferlement de critiques, le lycée Choongam a dû réagir. Sa directrice, Yoon Myung-hwa, a fermement condamné les agissements de ses anciens élèves, les qualifiant de « fautes individuelles qui ne reflètent pas les idéaux de l’établissement ». Elle affirme que Choongam enseigne à ses étudiants à « chérir la démocratie ». Mais le mal est fait, et même les chauffeurs de bus scolaires subissent les foudres d’une opinion publique en colère.
L’importance des réseaux scolaires en Corée du Sud
Si rien ne prouve à ce stade que les liens noués à Choongam aient directement influé sur la tentative de coup d’État, cette affaire illustre l’importance cruciale des réseaux scolaires dans la vie des élites sud-coréennes. Avec les liens du sang et l’origine régionale, ils forment un des trois piliers de la réussite. Certains médias évoquent ainsi une « clique de Choongam » qui aurait orchestré la proclamation de la loi martiale et le déploiement de militaires au Parlement pour empêcher les députés de se réunir.
Un précédent sous la dictature
Des parallèles ont également été faits avec le « Hananoe », la société secrète de l’ex-dictateur Chun Doo-hwan dans les années 80, composée d’anciens de l’Académie militaire. Ce groupe avait joué un rôle clé dans le coup d’État de 1979 et la sanglante répression qui a suivi. Chun avait nommé ses condisciples à des postes stratégiques et même désigné l’un d’eux, Roh Tae-woo, pour lui succéder à la présidence. La dernière proclamation de la loi martiale remontait d’ailleurs à 1980, sous Chun.
Un cercle restreint autour de Yoon
Si le ministre de l’Intérieur Lee Sang-min a nié l’existence d’une « réunion exclusive de camarades de Choongam », beaucoup pointent la tendance de Yoon Suk Yeol à s’entourer d’un cercle restreint issu de ses propres réseaux. Selon Lee Joon-han, professeur de sciences politiques, cela crée les conditions d’une « armée de bénis-oui-oui » avec peu de garde-fous.
Il existait peu de freins qui auraient pu prévenir ce désastre.
Lee Joon-han, professeur à l’université d’Incheon
Une publication sur les réseaux sociaux, datant d’avant le coup de force et suggérant qu’un « groupe de Choongam » pourrait tenter d’instaurer l’état d’urgence, est devenue virale depuis. Si l’enquête devra faire la lumière sur les ressorts exacts de cette crise, elle révèle d’ores et déjà au grand jour le poids des réseaux scolaires dans les allées du pouvoir sud-coréen. Un système qui soulève des questions sur les risques de dérives et d’entre-soi au sommet de l’État.