La Corée du Sud traverse une crise politique majeure. Le président Yoon Suk Yeol, en place depuis à peine un an et demi, est sous le feu des critiques après sa tentative avortée d’instaurer la loi martiale dans le pays. Dans un retournement spectaculaire, c’est désormais son propre camp conservateur qui le met en garde et brandit la menace d’une destitution.
Le Parti du Peuple lâche son président
Le coup est venu de là où on l’attendait le moins. Han Dong-hoon, le très influent chef du Parti du Peuple (PPP), la formation du président Yoon, n’y est pas allé par quatre chemins. Lors d’une déclaration choc vendredi, il a affirmé que si le chef de l’État restait en place, « il existe un risque important que des actions extrêmes similaires à la déclaration de la loi martiale soient répétées, ce qui pourrait mettre la République de Corée et ses citoyens en grand danger ». Une mise en garde on ne peut plus claire.
Cette prise de position marque un tournant dans la crise qui secoue la jeune démocratie sud-coréenne depuis le coup de force du président Yoon il y a une semaine. Dans une allocution surprise à la télévision, il avait annoncé vouloir suspendre le Parlement et instaurer la loi martiale, une première depuis la fin de la dictature militaire en 1987. Face au tollé généralisé, il avait dû renoncer en moins de 24 heures.
Un président acculé
Mais le mal était fait. L’opposition de centre-gauche a immédiatement saisi la justice, accusant Yoon Suk Yeol de « rebellion » et de violation de la Constitution. Une enquête préliminaire a été ouverte et les appels à la destitution se sont multipliés, y compris au sein de la majorité. Des manifestations monstres ont eu lieu dans tout le pays pour exiger le départ du président.
Face à cette fronde sans précédent, Yoon Suk Yeol s’est muré dans le silence, retiré dans le palais présidentiel de la Maison Bleue. Selon des sources proches de la présidence citées par la presse locale, il serait « prostré » et « submergé par les événements ». Certains évoquent même un profond « état de choc » chez ce président novice en politique, porté au pouvoir à la surprise générale en mars 2022.
Une tentative désespérée
Que s’est-il passé dans la tête de Yoon Suk Yeol ? Elu sur une promesse de fermeté face à la Corée du Nord et de relance économique, l’ex-procureur de 61 ans a rapidement déçu une opinion volatile. Sa cote de popularité a plongé à moins de 30% cet été sur fond de scandales à répétition et de nomination controversée.
Mais c’est surtout la perspective d’une convocation prochaine par le parquet dans une affaire de corruption visant son entourage qui aurait précipité sa décision. D’après des fuites dans les médias, Yoon Suk Yeol aurait voulu à tout prix éviter cet interrogatoire potentiellement dévastateur. Quitte à tenter un coup de force institutionnel en réinstaurant de fait une dictature militaire.
Vers une destitution express ?
Pari perdu. Non seulement le président n’a pas réussi son coup de force, mais il a sérieusement fragilisé sa position. L’opposition dispose désormais d’une majorité absolue au Parlement pour lancer une procédure de destitution, une première dans l’histoire du pays. Sauf retournement, le sort de Yoon Suk Yeol pourrait être scellé d’ici la fin de l’année.
La balle est désormais dans le camp de la majorité présidentielle. Va-t-elle lâcher complètement son encombrant chef de file ? Beaucoup redoutent qu’une destitution n’ouvre une période d’instabilité politique dans un contexte international déjà tendu, entre menaces nord-coréennes et rivalité sino-américaine. Mais pour ses détracteurs, le maintien de Yoon Suk Yeol constituerait un danger encore plus grand pour la jeune et fragile démocratie sud-coréenne.
C’est un moment de vérité pour notre pays. Nous devons choisir entre un retour en arrière vers l’autoritarisme ou la défense de notre Constitution et de nos valeurs démocratiques.
Lee Jae-myung, chef de l’opposition
Une chose est sûre : la Corée du Sud retient son souffle. Et scrute les moindres faits et gestes autour de la Maison Bleue, épicentre d’une crise politique sans précédent. L’avenir de sa démocratie et de ses institutions en dépend.