Le dollar américain, roi incontesté des devises depuis des décennies, semble marquer le pas ces derniers jours. À la veille de la publication d’un rapport crucial sur l’emploi aux États-Unis ce vendredi, le billet vert affiche des signes évidents de faiblesse face aux principales monnaies mondiales. Une situation qui soulève de nombreuses questions sur l’avenir de la devise phare de l’économie mondiale.
Le dollar en perte de vitesse
Selon les données de marché, le Dollar Index, qui compare la monnaie américaine à un panier de six devises majeures, a cédé 0,55% ce jeudi. Un recul notable qui profite notamment à l’euro, en hausse de 0,69% à 1,0585 dollar malgré la crise politique qui secoue actuellement la France.
Pour Brad Bechtel, analyste chez Jefferies, l’euro avait déjà atteint un « pic de négativité » ces dernières semaines entre les turbulences en Allemagne, en France et les tensions commerciales amenées par la future administration Trump. Le potentiel de baisse supplémentaire semblait donc limité pour la devise unique.
Des indicateurs US mitigés
Le dollar pâtit également des derniers indicateurs économiques américains. Si l’économie reste solide outre-Atlantique, plusieurs signaux témoignent d’un certain ralentissement. Une tendance qui pourrait inciter la Réserve fédérale américaine (Fed) à modérer ses hausses de taux lors de sa réunion des 17 et 18 décembre.
Des taux moins élevés rendraient mécaniquement le dollar moins attractif pour les investisseurs internationaux, habitués à profiter d’un différentiel favorable par rapport aux autres grandes banques centrales ayant opté pour des politiques plus accommodantes.
L’emploi US sous surveillance
Dans ce contexte, le rapport mensuel sur l’emploi américain attendu vendredi revêt une importance capitale. Il devrait fournir de précieuses indications à la Fed avant sa décision de politique monétaire la semaine prochaine, tout comme les chiffres de l’inflation qui seront publiés mercredi.
Nous entrons dans une période, la fin de l’année, qui est traditionnellement mauvaise pour le dollar.
Brad Bechtel, analyste chez Jefferies
Toutefois, il pourrait ne s’agir que d’une correction de court terme selon les analystes de Wells Fargo. Ces derniers anticipent de nouveaux gains pour le billet vert en 2024 avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump et ses promesses de relance budgétaire et de protectionnisme commercial qui devraient doper la croissance et l’inflation.
Le dollar, encore la monnaie reine
Malgré ces soubresauts, le dollar reste la principale monnaie de réserve et la devise reine des échanges internationaux. Il représente toujours près de 60% des réserves de change mondiales selon le FMI et près de 40% des transactions commerciales et financières.
Son statut a été cimenté au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par les accords de Bretton Woods qui ont fait du dollar la clé de voûte du système monétaire international. Malgré l’émergence de rivaux comme l’euro ou le yuan chinois, aucune devise n’a réussi depuis à le détrôner.
Les dangers d’un « roi dollar »
Cette domination n’est pas sans risque cependant. Lorsque le dollar s’apprécie trop fortement, comme ce fut le cas ces derniers mois, cela pèse sur les pays émergents endettés en dollars. Leur dette devient plus chère à rembourser, menaçant leur stabilité financière.
C’est aussi un handicap pour les exportateurs américains qui voient leurs produits renchéris sur les marchés étrangers. Un dollar fort est paradoxalement un problème… pour l’économie américaine!
L’euro et le yuan en embuscade
Face au roi dollar, certains appellent à une « dédollarisation » de l’économie mondiale. La Chine et la Russie militent activement pour un plus grand usage de leurs devises dans les échanges internationaux. En Europe, certains rêvent d’un euro capable de faire jeu égal avec le billet vert.
Mais le chemin est encore long. Pékin maintient un contrôle strict des mouvements de capitaux internationaux, bridant l’usage du yuan. Quant à l’euro, il souffre toujours d’une architecture inachevée et de la fragmentation des dettes publiques européennes. Le dollar a encore de beaux jours devant lui, malgré ses soubresauts passagers !