C’est un coup dur pour la filière française du caviar. Alors que la France règne depuis des décennies sur ce marché de niche très haut de gamme, un nouveau venu aux dents longues bouscule la hiérarchie établie : la Chine. Avec plus de la moitié de la production mondiale d’œufs d’esturgeon, l’empire du Milieu s’impose désormais comme un acteur incontournable. Un véritable séisme pour les producteurs hexagonaux, qui voient leurs parts de marché s’effriter inexorablement.
Le caviar, fleuron de la gastronomie française en danger
Produit emblématique du raffinement à la française, le caviar est longtemps resté l’apanage des producteurs tricolores, avec en première ligne les fermes d’élevage d’Aquitaine. Mais la montée en puissance chinoise redistribue les cartes. D’après une source proche du secteur, la production de l’empire du Milieu a été multipliée par 10 en seulement 5 ans, pour atteindre 150 tonnes en 2023. Résultat, la Chine assure désormais 60% de l’approvisionnement mondial en « perles noires ».
Cette offensive massive fragilise les acteurs historiques comme l’Esturgeonnière ou les Caviar de Neuvic, confrontés à une concurrence tarifaire féroce. « On a été ralenti en plein élan », déplore Laurent Deverlanges, PDG des Caviar de Neuvic. Son chiffre d’affaires a chuté de 20% en 2023, malgré un positionnement haut de gamme. Même constat pour Michel Berthommier, aux manettes de l’Esturgeonnière, qui a vu ses ventes fondre de 12%.
La qualité française face aux « usines à caviar » chinoises
Pour résister au raz-de-marée chinois, la filière française mise sur ses atouts : un savoir-faire historique, une traçabilité exemplaire et une qualité supérieure, avec des produits bénéficiant pour certains de l’IGP (Indication Géographique Protégée) « Caviar d’Aquitaine ». Face aux « usines à caviar » d’Asie, les pisciculteurs hexagonaux défendent leur modèle artisanal, à taille humaine.
On produit un caviar d’exception, issu d’esturgeons élevés dans les meilleures conditions et affinés avec un soin extrême. C’est notre signature, notre différence.
Un producteur français souhaitant rester anonyme
Cette excellence a un coût que tous les consommateurs ne sont pas prêts à payer. Sur le marché mondial, les prix du caviar chinois peuvent être jusqu’à 30% inférieurs à ceux des produits français. Un différentiel qui rend les arbitrages difficiles pour les acheteurs, notamment les professionnels (restaurateurs, traiteurs, épiceries fines…).
S’unir pour affronter la tempête
Pour survivre dans ce nouveau paysage concurrentiel, les producteurs français n’ont d’autre choix que de serrer les rangs. Des initiatives collectives émergent pour défendre les intérêts de la filière, à l’image du Collectif Caviar d’Aquitaine qui regroupe une dizaine de pisciculteurs locaux. Objectif : mutualiser les moyens, partager les bonnes pratiques et communiquer d’une seule voix pour valoriser le caviar français.
En parallèle, les producteurs multiplient les démarches pour décrocher de nouveaux marchés, en misant notamment sur l’Asie hors Chine. Le Japon, la Corée du Sud ou Singapour recèlent un potentiel intéressant pour les produits haut de gamme. De quoi, espèrent les professionnels, amortir le choc et trouver de nouveaux relais de croissance.
Face à l’ogre chinois, la filière française du caviar joue son avenir. Saura-t-elle préserver son rang sur ce marché ultra-concurrentiel ? Sa capacité à innover, à promouvoir ses atouts qualitatifs et à conquérir de nouveaux horizons sera décisive pour assurer sa pérennité. Un défi de taille qui exigera de la créativité et un esprit conquérant. Les prochains mois seront cruciaux.