Alors que les élections présidentielles battent leur plein en Roumanie, l’Union Européenne a décidé de renforcer sa vigilance à l’égard de TikTok, le réseau social prisé des jeunes. En cause : de possibles ingérences russes visant à influencer le scrutin en faveur d’un candidat nationaliste et eurosceptique. Une situation qui soulève des questions sur le rôle des plateformes dans la vie démocratique.
L’UE exige des comptes à TikTok
Jeudi, la Commission européenne a annoncé une surveillance accrue de TikTok « dans le contexte des élections roumaines », après avoir eu vent d’une potentielle interférence russe. Sans préjuger d’une infraction, Bruxelles demande à l’application de préserver toutes les données liées aux « risques systémiques » pesant sur le processus électoral.
L’exécutif européen, qui joue le rôle de gendarme du numérique dans l’UE, enjoint également à TikTok de conserver les documents internes sur le design et le fonctionnement de ses algorithmes de recommandation. Le but : vérifier l’existence de biais ou de manipulations intentionnelles. Une demande à laquelle TikTok affirme vouloir se plier, tout en se disant « impatient d’établir les faits ».
Un candidat populiste ultra-présent sur TikTok
Au cœur des préoccupations européennes : la percée surprise de Calin Georgescu. Cet ancien haut fonctionnaire de 62 ans, quasi inconnu il y a peu, est arrivé en tête du premier tour grâce à une campagne très active sur TikTok, où il cumule plus de 530 000 abonnés. Ses vidéos, vues des millions de fois, véhiculent un discours nationaliste, anti-vaccins et pro-Poutine qui séduit une partie de la jeunesse roumaine.
Les autorités roumaines estiment que TikTok a accordé un « traitement préférentiel » à Calin Georgescu en ne l’étiquetant pas comme candidat politique.
Le spectre d’une ingérence russe
Si ce succès s’explique en partie par un vote protestataire sur fond de crise, certains y voient aussi la main de Moscou. La Russie est régulièrement soupçonnée d’orchestrer des campagnes de désinformation pour favoriser des candidats qui lui seraient acquis au sein de l’UE. Une menace prise très au sérieux par Bruxelles, qui craint de voir la Roumanie, pays stratégique aux portes de l’Ukraine, basculer dans le camp des « illibéraux » au sein du bloc européen.
Le pouvoir grandissant des réseaux sociaux
Au-delà du cas roumain, cette affaire illustre le rôle croissant des plateformes numériques dans la vie politique. Avec leurs algorithmes opaques et leur capacité à toucher des millions d’utilisateurs, elles offrent un terrain de jeu idéal pour les manipulations à grande échelle. Un défi majeur pour les démocraties à l’heure où une part grandissante des citoyens, en particulier les jeunes, s’informent principalement via ces canaux.
Face à ces risques, l’UE tente de réguler le secteur avec des textes comme le DSA, qui responsabilise davantage les géants de la tech. Mais la tâche s’annonce ardue tant leur puissance et leurs moyens dépassent ceux des États. Une chose est sûre : la saga roumaine ne fait que commencer et préfigure sans doute les batailles à venir pour préserver l’intégrité des scrutins à l’ère du tout-numérique.
