Le monde du karaté français est secoué par un scandale sans précédent. Mercredi, treize personnes, dont des licenciés et responsables actuels ou passés de la Fédération française de karaté et disciplines associées (FFKDA), ont déposé plainte contre X à Nanterre pour de « graves dysfonctionnements », notamment des faits présumés de corruption passive et de trafic d’influence passif.
Le timing de cette action en justice n’est pas anodin. Elle intervient à la veille du début des élections du président et du conseil d’administration de la fédération, prévues jusqu’au 12 décembre. Les plaignants, parmi lesquels figurent des membres du conseil d’administration, des présidents de ligues régionales ou encore un ancien trésorier, visent directement Francis Didier, l’actuel président de la FFKDA en poste depuis 2001.
Des moyens fédéraux détournés pour favoriser un proche ?
Légalement empêché de briguer un nouveau mandat, Francis Didier est accusé par les plaignants « d’utiliser les moyens de l’institution pour favoriser l’élection d’un de ses proches, Bruno Verfaillie, responsable de la commission d’arbitrage. » Ils lui reprochent notamment de délivrer des dans et grades équivalents « directement au travers de sa seule signature » contre « l’assurance d’un vote au soutien de ce candidat ». Un procédé qui, selon eux, constitue un délit de corruption passive et de trafic d’influence passif.
D’après les règles en vigueur, l’attribution de ces distinctions est normalement du ressort d’une commission qui, d’après les informations rapportées dans la plainte, ne se serait plus réunie depuis l’été 2023. Les titres ainsi délivrés aux licenciés constitueraient donc des faux et exposeraient leurs bénéficiaires à une usurpation de titres.
Un « climat délétère » au sein de la fédération
Au-delà de ces accusations ciblées, les treize plaignants dénoncent plus largement un « climat délétère au sein des instances dirigeantes de la fédération », une atmosphère pesante dont la presse nationale s’est récemment fait l’écho. Le train de vie de Francis Didier, en particulier un appartement de fonction qu’il aurait omis de déclarer comme avantage en nature, avait déjà été épinglé en 2017 suite à une enquête administrative déclenchée par des révélations d’une source proche du dossier.
À l’époque, le ministère des Sports avait saisi la justice et le dirigeant avait également fait l’objet de trois plaintes pour abus de confiance déposées par d’anciens membres de la fédération. En septembre 2010, il avait été condamné à Paris pour prise illégale d’intérêt à 1.000 euros d’amende avec sursis, aux côtés de deux autres membres du comité directeur.
Interrogations sur l’avenir du karaté français
Cette nouvelle affaire, par son ampleur et sa gravité, jette une ombre sur l’avenir du karaté hexagonal. Contactée par l’AFP, la FFKDA n’a pas souhaité commenter l’information dans l’immédiat. Nul doute cependant que ce scandale agitera en profondeur le microcosme de ce sport, quelques mois seulement après la médaille d’or historique de Steven Da Costa aux Jeux Olympiques de Tokyo en 2021.
Discipline invitée au Japon, le karaté ne sera pas reconduit au programme des JO de Paris en 2024, une décision vécue comme un coup dur par l’ensemble de la communauté. Dans ce contexte délicat, les soupçons de malversations qui pèsent sur les plus hautes instances fédérales risquent de fragiliser encore davantage le karaté français, à l’aube d’une échéance électorale cruciale pour son avenir.