La Commission européenne vient d’annoncer un renforcement de sa surveillance du réseau social TikTok dans le contexte des élections en cours en Roumanie. Cette décision fait suite à des informations reçues par l’exécutif européen laissant craindre une potentielle ingérence de la Russie via la populaire application.
L’UE joue son rôle de gendarme du numérique
Sans se prononcer à ce stade sur une éventuelle violation des règles par TikTok, la Commission européenne exige de la plateforme qu’elle gèle et conserve toutes les données liées aux « risques systémiques réels ou prévisibles » que son service pourrait faire peser sur les processus électoraux et le débat civique au sein de l’Union.
Cet ordre de conservation concerne spécifiquement « les élections nationales dans l’Union européenne entre le 24 novembre 2024 et le 31 mars 2025 », a précisé la Commission. L’exécutif européen joue ainsi pleinement son rôle de gendarme du numérique dans l’UE, en vertu du récent règlement sur les services numériques (DSA) entré en vigueur le 17 février dernier.
Soupçons d’ingérence russe
Cette décision de Bruxelles intervient alors que la Roumanie pourrait élire dimanche son premier président d’extrême droite, un scrutin aux lourds enjeux pour cet État membre de l’UE et de l’Otan, voisin direct de l’Ukraine en guerre. Le pays traverse actuellement une période turbulente, marquée par une succession d’élections, de recomptages, de craintes d’annulation, d’accusations d’ingérence russe et de soupçons de traitement déséquilibré des candidats par TikTok, le réseau privilégié du candidat nationaliste Calin Georgescu arrivé en tête à la surprise générale au premier tour.
Selon une source proche du dossier, les informations récemment déclassifiées reçues par la Commission « indiquent une interférence étrangère de la part de la Russie » dans le processus électoral roumain en cours. Un scénario qui rappelle les ingérences russes constatées lors de scrutins précédents dans d’autres pays comme les États-Unis ou la France.
TikTok dans le viseur
Si la Commission ne se prononce pas à ce stade sur une éventuelle violation des obligations de TikTok au titre du DSA, elle exige néanmoins de la plateforme chinoise qu’elle lui fournisse des documents internes et des informations relatives à la conception et au fonctionnement de ses systèmes de recommandation. TikTok devra également détailler la manière dont il gère les risques de manipulation intentionnelle de son service.
Cette mise sous surveillance accrue de TikTok intervient alors que l’application est déjà dans le collimateur des autorités américaines et européennes pour ses liens avec la Chine et les risques d’accès du régime chinois aux données des utilisateurs occidentaux. En proie à une défiance croissante, TikTok multiplie les efforts pour rassurer sur son intégrité et son indépendance vis-à-vis de Pékin.
Enjeux pour la souveraineté numérique européenne
Au-delà du cas spécifique de la Roumanie, cette affaire illustre les défis auxquels est confrontée l’Union européenne pour préserver l’intégrité de ses processus démocratiques à l’ère des réseaux sociaux et des ingérences étrangères. Face à la menace, Bruxelles entend jouer un rôle moteur pour réguler les géants du numérique et protéger la souveraineté numérique européenne.
Avec le DSA, l’UE s’est dotée d’un cadre ambitieux pour lutter contre la désinformation, les contenus illégaux et les manipulations en ligne. Reste à voir si ces nouvelles règles suffiront à endiguer les tentatives de déstabilisation venues de l’extérieur, à l’heure où les réseaux sociaux sont devenus des armes d’influence massive et où les tensions géopolitiques exacerbent la guerre de l’information.
Les élections roumaines constituent un test grandeur nature pour mesurer l’efficacité de la réponse européenne face à ces nouveaux périls. Et un enjeu crucial pour l’avenir de la démocratie sur le continent.