Au cœur du chaos syrien, un nouvel épisode sanglant se joue actuellement aux portes de Hama, ville stratégique du centre du pays. Depuis plusieurs jours, l’armée syrienne est engagée dans de violents combats face à une coalition de rebelles emmenée par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS). L’enjeu : stopper coûte que coûte l’avancée fulgurante des insurgés, qui après avoir conquis en un temps record une grande partie du nord de la Syrie, foncent désormais vers le sud en direction de la capitale Damas.
Une offensive rebelle éclair qui déstabilise le régime
Tout s’est emballé il y a une semaine, lorsque les rebelles, sous la houlette des djihadistes de HTS, ont lancé une vaste offensive dans le nord du pays. Prenant de court les forces gouvernementales, ils se sont emparés en quelques jours seulement de la majeure partie de la province d’Alep, deuxième ville de Syrie. Un coup de tonnerre dans un ciel déjà bien chargé.
Galvanisés par ce succès, les insurgés ont alors mis le cap au sud, en direction de Hama, ville clé qui verrouille l’accès à la capitale Damas, située 200 km plus loin. Une menace directe pour le régime de Bachar al-Assad, qui se voit contraint d’engager une bataille décisive pour endiguer cette déferlante.
Hama, verrou stratégique sur la route de Damas
Depuis plusieurs jours, de violents affrontements opposent donc l’armée syrienne et les rebelles dans la région de Hama. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), les combats se concentrent notamment autour de Jabal Zein al-Abidine, à seulement 5 km au nord de la ville.
«Les troupes gouvernementales mènent une résistance acharnée et tentent de stopper la progression des rebelles», a déclaré le directeur de l’OSDH. Une habitante de Hama témoigne : «Nous entendons des explosions et des bombardements sans arrêt depuis la nuit. Les rues autour de chez nous sont vides, nous ne savons pas ce qui se passe à l’extérieur».
Les forces qui progressent actuellement vers le sud se heurteront probablement à un obstacle quelque part dans le centre de la Syrie, lorsqu’elles rencontreront une résistance loyaliste véritablement motivée et intransigeante.
Sam Heller, analyste à la Century Foundation
La communauté internationale inquiète, les civils en première ligne
Face à cette situation explosive, la communauté internationale est en alerte. La Russie et l’Iran, principaux alliés de Damas, ainsi que la Turquie, soutien majeur des rebelles, seraient en «contact étroit» pour tenter de stabiliser la situation selon Moscou. Washington met en garde contre une résurgence de l’Etat islamique en Syrie à la faveur du chaos.
Mais ce sont surtout les civils qui se retrouvent pris entre deux feux. En une semaine de combats, déjà plus de 115 000 personnes auraient fui les violences d’après l’ONU. Les ONG s’alarment des risques pour les populations, alors que de nombreuses violations des droits humains ont été rapportées des deux côtés. Un énième drame dans un pays ravagé par plus de 10 ans de guerre civile.
Vers un basculement du rapport de force ?
Si les rebelles parvenaient à s’emparer de Hama, cela constituerait assurément un tournant majeur dans le conflit syrien. Le régime de Bachar al-Assad, déjà considérablement affaibli, verrait sa survie directement menacée. Un scénario catastrophe qu’il cherche à tout prix à éviter.
Mais les insurgés semblent déterminés à aller jusqu’au bout. La prise symbole de la citadelle d’Alep par le chef de HTS en début de semaine, acclamé par ses partisans, témoigne de leur sentiment de puissance retrouvé après des années de défaites et de reculs.
Les prochains jours seront donc décisifs. L’armée syrienne parviendra-t-elle à enrayer l’avancée rebelle aux portes de Hama ? Ou au contraire les insurgés réussiront-ils l’exploit de renverser le cours de la guerre en leur faveur ? Quel qu’il soit, l’issue des combats façonnera à n’en pas douter le visage de la Syrie des prochaines années, et au-delà l’avenir de toute la région. Le monde retient son souffle.
Contrairement à l’opposition qui regagne du terrain, les forces loyalistes sont actuellement tendues sur plusieurs fronts simultanés dans le pays. La capacité du régime à mobiliser des renforts significatifs pour la bataille de Hama interroge. Le soutien de Moscou et Téhéran apparaît aussi plus incertain qu’avant, alors que ces deux parrains sont aux prises avec leurs propres difficultés.
La progression des rebelles vers Hama marque un tournant majeur et inattendu dans le conflit syrien. Cela démontre la grande fragilité du régime de Damas, malgré des années de soutien russe et iranien.
Une source diplomatique occidentale à l’AFP
Autres signe inquiétant, l’aviation russe, si active ces dernières années pour appuyer l’armée syrienne face aux rebelles, est pour l’instant restée très discrète dans la bataille de Hama. Certains y voient le signe d’un affaiblissement de l’allié russe, pris dans les difficultés de son intervention militaire en Ukraine.
Pendant ce temps,en coulisse, la diplomatie s’active. Les principaux acteurs régionaux et internationaux multiplient les tractations pour tenter d’éviter un embrasement incontrôlable. Mais les marges de manœuvre semblent étroites face à une escalade militaire qui paraît de plus en plus inéluctable.
Dans ce contexte, le sort de millions de civils syriens déjà durement éprouvés par une décennie de guerre suscite une immense inquiétude. Déplacés par les combats, menacés par les bombardements et les exactions, ils se retrouvent une nouvelle fois au cœur de la tourmente, dans un pays en ruines qui semble s’enfoncer chaque jour davantage dans le chaos.
- Plus de 115000 civils déjà déplacés en une semaine de combats d’après l’ONU
- L’ONG Human Rights Watch alerte sur les risques pour les populations prises entre deux feux
- De nombreuses violations des droits humains rapportées des deux côtés
L’avenir de la Syrie semble donc plus que jamais suspendu à l’issue des combats en cours autour de Hama. Une bataille décisive dont les implications dépassent largement les frontières du pays, dans une région minée par les conflits. Plus que jamais, le monde a les yeux rivés sur ce concentré de tragédie humaine et de chaos géopolitique.