Le lycée privé musulman Al-Kindi, situé à Décines-Charpieu dans la banlieue lyonnaise, risque de perdre l’agrément qui le lie à l’État. Des « manquements graves » ont en effet été constatés par l’inspection académique lors d’un contrôle de l’établissement, l’un des derniers lycées musulmans sous contrat en France.
Selon une source proche du dossier, un rapport faisant état de ces dysfonctionnements a été transmis à la direction du lycée. Celle-ci aura l’occasion de présenter sa défense le 12 décembre prochain devant une commission de concertation. C’est au terme de cette procédure que la préfète du Rhône, sur la base des éléments recueillis, prendra la décision de maintenir ou de résilier le contrat liant l’établissement à l’État.
Un coup dur pour l’établissement
Pour la direction d’Al-Kindi, une résiliation du contrat « pourrait signer la faillite économique » du lycée, qui accueille quelque 600 élèves de la 6e à la terminale, dont 80% dans des classes sous contrat. Perdre l’agrément signifierait en effet ne plus bénéficier du financement public des postes d’enseignants.
Dans un communiqué, l’équipe dirigeante dénonce le « caractère éminemment contestable » des critiques formulées par l’administration, sans toutefois en révéler la teneur exacte. Elle déplore plus largement « le climat de défiance des autorités vis-à-vis des établissements d’enseignement, personnalités et projets issus de la communauté musulmane de France ».
Des ouvrages radicaux découverts
D’après nos informations, le rapport d’inspection pointe notamment la présence de deux ouvrages jugés radicaux dans le centre de documentation et d’information (CDI) du lycée, dont l’un ferait la promotion d’un djihad violent. Des propos polémiques tenus par un professeur sur sa chaîne YouTube sont aussi épinglés, de même que des différences de traitement entre filles et garçons relevées dans le règlement intérieur.
Des problèmes de gestion, avec une confusion entre les classes sous contrat et hors contrat, sont également soulevés. Contacté, le rectorat n’a pas souhaité commenter ces éléments. La teneur exacte des griefs retenus ne devrait être connue qu’à l’issue de la commission de concertation.
Des « erreurs » qui servent à « clore un dossier » ?
Pour Kamel Kabtane, recteur de la Grande Mosquée de Lyon, les motifs avancés ne sont « pas clairs du tout ». Ce responsable religieux défend la qualité de l’enseignement au sein de cette « grande institution » régionale qui a toujours selon lui formé « de bons citoyens ».
« Il s’agit simplement d’erreurs de l’établissement ayant servi à l’État pour clore un dossier, comme la présence d’un livre qui n’aurait pas dû se trouver là, un livre qu’on trouve pourtant dans toutes les mosquées… »
Kamel Kabtane, recteur de la Grande Mosquée de Lyon
Un établissement déjà dans le viseur en 2007
L’ouverture du groupe scolaire Al-Kindi en 2007 avait déjà suscité un bras de fer avec le recteur de l’académie de Lyon de l’époque, qui s’était soldé par la démission de ce dernier. Quinze ans plus tard, l’établissement est donc à nouveau dans le collimateur des autorités.
Avec le retrait d’agrément en septembre dernier du lycée Averroès de Lille, longtemps présenté comme un fleuron de l’enseignement musulman en France, Al-Kindi est désormais le dernier lycée confessionnel musulman sous contrat dans le pays. Une situation qui illustre les tensions récurrentes autour de la place de l’islam dans le paysage éducatif français et la difficulté à concilier liberté d’enseignement et lutte contre les dérives communautaristes.
La décision préfectorale, attendue courant janvier, sera donc scrutée avec attention. Elle pourrait en effet porter un coup fatal à l’un des derniers bastions de l’enseignement musulman sous contrat en France, ou au contraire lui donner une chance de se réformer pour s’inscrire durablement dans le paysage éducatif.