Un simple coup de fil peut parfois avoir de grandes répercussions géopolitiques. C’est ce que démontre l’appel téléphonique entre Lai Ching-te, le dirigeant taïwanais, et Mike Johnson, le président de la Chambre des représentants des États-Unis. Cet échange, qui s’est déroulé alors que M. Lai effectue une tournée diplomatique dans le Pacifique, a immédiatement suscité l’ire de la Chine.
Une Tournée qui ne Passe pas Inaperçue
Le président taïwanais Lai Ching-te ne chôme pas durant son périple dans le Pacifique. Après avoir visité Hawaï, les îles Marshall et les Tuvalu, il fait étape à Guam, un territoire américain, avant de conclure son voyage aux Palaos. L’objectif affiché ? Renforcer les soutiens diplomatiques de Taïwan, alors que la Chine tente de s’emparer des derniers alliés de l’île.
Mais c’est surtout son appel téléphonique avec Mike Johnson qui fait parler. Les deux hommes se sont entretenus mercredi, selon la présidence taïwanaise, sans toutefois révéler le contenu de leur discussion. Un geste fort alors que Pékin considère Taïwan comme une partie intégrante de son territoire et s’oppose à tout échange officiel entre l’île et un autre pays.
Un Partenariat « Solide comme un Roc »
Depuis Guam, Lai Ching-te a tenu à souligner la force des liens entre les États-Unis et Taïwan, comparant leur partenariat à un roc. « Ensemble, nous sommes de bons partenaires pour défendre la démocratie », a-t-il affirmé lors d’un banquet en présence de la gouverneure de Guam et de la représentante de l’Institut américain à Taïwan. Il a également qualifié Taïwan de « phare de la démocratie en Asie ».
De son côté, Ingrid Larson, la directrice à Washington de l’Institut américain à Taïwan, a assuré que « les États-Unis continueront d’aider Taïwan à renforcer ses capacités d’autodéfense ainsi que sa capacité à se protéger contre la coercition ». Des propos qui font écho à l’approbation récente par Washington d’une nouvelle vente d’armes à Taipei, d’un montant de 385 millions de dollars.
La Chine Défend sa « Souveraineté »
Sans surprise, la Chine n’apprécie guère cette tournée diplomatique ni ce coup de fil présidentiel. Pékin a réagi en réaffirmant sa volonté de défendre sa « souveraineté nationale » sur Taïwan. « La question de Taïwan est au cœur des intérêts premiers de la Chine », a martelé un porte-parole de la diplomatie chinoise, interrogé sur de possibles nouvelles manœuvres militaires autour de l’île.
La Chine estime en effet qu’elle n’a pas encore réussi à réunifier Taïwan avec le reste de son territoire depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949. Et elle n’exclut pas le recours à la force pour y parvenir. Dans ce contexte, chaque geste de soutien international envers Taipei est perçu comme une provocation par Pékin.
Les Enjeux Diplomatiques pour Taïwan
Pour Taïwan, l’enjeu est de taille. Seuls 12 pays dans le monde reconnaissent encore officiellement l’île, beaucoup ayant basculé du côté de Pékin, attirés par des promesses d’aide et d’investissements. La tournée de Lai Ching-te dans le Pacifique vise donc à consolider ces soutiens, alors que la Chine ne cesse d’accroître la pression, diplomatique et militaire.
Mais au-delà de ces considérations diplomatiques, c’est aussi la question de la sécurité de Taïwan qui est en jeu. L’île, qui vit sous la menace constante d’une intervention chinoise, compte sur le soutien des États-Unis pour assurer sa défense. Les ventes d’armes américaines et les déclarations de soutien de Washington sont donc cruciales pour Taipei.
Quel Impact sur les Relations Sino-Américaines ?
Reste à savoir quel sera l’impact de cet épisode sur les relations déjà tendues entre la Chine et les États-Unis. Pékin, qui considère la question taïwanaise comme une affaire intérieure, ne tolère guère l’ingérence américaine. Chaque vente d’armes, chaque contact officiel entre Washington et Taipei est vécu comme un affront par le régime chinois.
Mais les États-Unis, de leur côté, ne semblent pas prêts à abandonner leur allié taïwanais. Le soutien à l’île fait l’objet d’un consensus bipartisan à Washington, et s’inscrit dans une politique plus large de contrepoids à la montée en puissance de la Chine dans la région. Un équilibre délicat que cet appel téléphonique vient une nouvelle fois bousculer.
Les relations entre Taïwan, la Chine et les États-Unis sont un véritable jeu d’échecs géopolitique, où chaque mouvement peut avoir des conséquences imprévisibles.
Un analyste politique
Au final, cet appel téléphonique entre les présidents taïwanais et américain illustre toute la complexité de la situation dans le détroit de Taïwan. Une simple conversation peut ici prendre une dimension stratégique, dans une région où les tensions ne cessent de s’accumuler. Et chaque geste, chaque déclaration, est scruté et interprété à l’aune de ce rapport de forces triangulaire entre Taipei, Pékin et Washington. Un équilibre précaire, que le moindre faux pas pourrait faire basculer.
