Une crise politique d’une ampleur inédite secoue actuellement la Corée du Sud. Dans un contexte de débat budgétaire particulièrement tendu au Parlement, le président Yoon Suk Yeol a pris la décision fracassante de proclamer la loi martiale dans tout le pays.
Le président dénonce un blocage de l’opposition
Lors d’une allocution télévisée surprise mardi, le chef de l’État a justifié ce recours à la loi martiale par la nécessité de « protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes et éliminer les éléments hostiles à l’État ». Il a vivement critiqué l’opposition, l’accusant de paralyser le gouvernement « à des fins de destitutions, d’enquêtes spéciales et pour protéger son leader ».
Selon des sources proches de la présidence, l’exécutif reproche notamment au Parti démocrate, majoritaire à l’Assemblée nationale, d’avoir « considérablement réduit » le projet de budget pour l’année prochaine. Face à ce qu’il considère être un blocage inacceptable, Yoon Suk Yeol a donc décidé de passer en force en proclamant la loi martiale.
Interdiction des activités politiques et médias surveillés
Cette mesure d’exception, qui n’avait plus été utilisée dans le pays depuis les années 80, se traduit concrètement par l’interdiction de toutes les activités politiques et le placement des médias sous surveillance gouvernementale. Des images spectaculaires ont montré des hélicoptères militaires atterrissant sur le toit du Parlement à Séoul.
L’opposition dénonce un coup de force illégal
De son côté, le chef de l’opposition Lee Jae-myung a vigoureusement dénoncé une décision « illégale » et « invalide ». Celui qui avait perdu de peu face à Yoon Suk Yeol lors de la présidentielle de 2022 a appelé la population à se rassembler devant le Parlement pour manifester son désaccord.
Venez à l’Assemblée nationale maintenant. Je m’y rends également.
Lee Jae-myung, chef de l’opposition
La foule commence à se rassembler malgré l’heure tardive
Son appel semble avoir été entendu puisque plusieurs centaines de Sud-Coréens ont commencé à affluer aux abords du Parlement en pleine nuit, bravant le dispositif policier qui en bloque l’accès.
Dans le même temps, des unités d’élite de l’armée tentent de pénétrer dans le bâtiment, générant une situation très tendue selon des témoins sur place. Les forces de l’ordre semblent pour l’instant chercher à contenir la foule sans faire usage de la force.
Réactions internationales prudentes
Au niveau international, les réactions sont pour l’instant mesurées. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont fait savoir qu’ils suivaient la situation de près, tandis que la Chine a appelé ses ressortissants sur place à la prudence.
Crise politique sur fond de contentieux budgétaire
Cette crise politique intervient dans un contexte de vives tensions entre le parti présidentiel et l’opposition autour du budget 2024. Le Parti démocrate, fort de sa majorité parlementaire, a en effet adopté un programme budgétaire revu à la baisse en commission la semaine dernière.
Le président Yoon a violemment réagi, accusant l’Assemblée d’être devenue « un refuge de criminels » voulant « paralyser les systèmes administratif et judiciaire » et « renverser l’ordre démocratique ». Il dénonce des coupes budgétaires dans des domaines cruciaux à ses yeux comme « la lutte contre les crimes liés à la drogue et le maintien de la sécurité publique ». Face à ce qu’il juge être des « forces hostiles » cherchant à « renverser le régime », Yoon Suk Yeol dit n’avoir eu d’autre choix que d’instaurer la loi martiale.
La première loi martiale depuis les années 80
C’est la première fois que la Corée du Sud a recours à ce dispositif exceptionnel depuis sa transition démocratique à la fin des années 1980. Même lors de périodes de fortes tensions sociales, comme en 2016 lorsque des millions de manifestants avaient obtenu la destitution de l’ex-présidente Park Geun-hye sur fond de scandale de corruption, la loi martiale n’avait pas été envisagée.
La dernière proclamation remontait au 17 mai 1980, lors du coup d’État militaire du général Chun Doo-hwan qui avait réprimé dans le sang une révolte populaire à Gwangju, faisant des centaines de morts avant de prendre le pouvoir. La loi martiale avait finalement été levée en janvier 1981.
Le pays retient son souffle
Avec ce recours à la manière forte, Yoon Suk Yeol joue son va-tout au risque de fracturer durablement le pays. Si la présidence assure vouloir « rétablir la normalité en se débarrassant des forces hostiles à l’État » le plus vite possible, l’opposition ne semble pas disposée à céder. Et la population sud-coréenne, attachée aux libertés démocratiques, pourrait ne pas accepter un tour de vis sécuritaire jugé excessif et liberticide.
La Corée du Sud, 10ème puissance économique mondiale et jeune démocratie, se retrouve ainsi projetée en terrain inconnu. Tous les regards sont désormais tournés vers le Parlement de Séoul, où se joue l’avenir du pays. Les prochaines heures s’annoncent déterminantes. La priorité est d’éviter une escalade et un dérapage vers la violence.