Dans une allocution télévisée inattendue mardi, le président sud-coréen Yoon Suk Yeol a proclamé la loi martiale à travers le pays. Selon lui, cette mesure drastique est nécessaire pour protéger la Corée du Sud des menaces posées par ce qu’il qualifie de « forces communistes nord-coréennes », dans un contexte de vives tensions autour du budget national.
Une décision « inévitable » selon le président
« Pour protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes et éliminer les éléments hostiles à l’État (…) je déclare la loi martiale d’urgence », a annoncé le président Yoon lors de son intervention surprise. Il a justifié sa décision en accusant le principal parti d’opposition, le Parti Démocrate, de « paralyser le gouvernement » dans le cadre du débat sur le projet de budget de l’année prochaine.
Selon le président, les députés de l’opposition, qui détiennent actuellement la majorité à l’Assemblée nationale, ont approuvé la semaine dernière un programme budgétaire « considérablement réduit », mettant en péril le fonctionnement de l’État. Il a ainsi déclaré :
Sans se soucier des moyens de subsistance du peuple, le parti d’opposition a paralysé le gouvernement, à des fins de destitutions, d’enquêtes spéciales et pour protéger son leader de poursuites judiciaires.
« Un refuge de criminels »
Yoon Suk Yeol est allé plus loin dans ses accusations, affirmant que l’Assemblée nationale était devenue « un refuge de criminels, un repaire de dictature législative qui cherche à paralyser les systèmes administratif et judiciaire et à renverser notre ordre démocratique libéral ». Selon lui, les coupes budgétaires de l’opposition visent tous les domaines essentiels :
- La lutte contre les crimes liés à la drogue
- Le maintien de la sécurité publique
Le président accuse ainsi les députés d’opposition de vouloir transformer le pays en un « paradis de la drogue et en un lieu de chaos pour la sécurité publique ».
L’opposition qualifiée de « forces hostiles à l’État »
Dans des propos d’une rare virulence, le chef de l’État a qualifié les élus de l’opposition, majoritaires au Parlement, de « forces hostiles à l’État ayant l’intention de renverser le régime ». Face à cette situation qu’il juge intenable, Yoon Suk Yeol assure que la proclamation de la loi martiale était « inévitable » :
Je rétablirai la normalité dans le pays en me débarrassant de ces forces hostiles à l’État dès que possible.
Une escalade dans un contexte de fortes tensions
Cette décision choc du président sud-coréen intervient alors que les débats sur le budget 2024 cristallisent les tensions entre le Parti du Pouvoir au Peuple de Yoon Suk Yeol et le Parti Démocrate. Les deux formations s’affrontent avec virulence depuis plusieurs semaines sur les arbitrages budgétaires.
Au-delà des enjeux financiers, ce bras de fer illustre la profonde polarisation de la vie politique sud-coréenne. Le président conservateur, élu en 2022, peine à imposer son agenda réformateur face à une opposition qui contrôle l’Assemblée nationale. Ses détracteurs l’accusent de dérive autoritaire et de vouloir museler toute contestation.
La proclamation de la loi martiale, mesure rarissime en temps de paix, marque une nouvelle escalade dans cette crise. De nombreux observateurs s’inquiètent d’une atteinte aux libertés démocratiques. Les prochains jours seront décisifs pour mesurer les conséquences concrètes de cette décision sur le fonctionnement des institutions et la vie des Sud-Coréens.
Dans ce climat de défiance exacerbée, la référence du président aux « menaces nord-coréennes » apparaît aussi comme une tentative de rallier l’opinion publique en jouant sur le sentiment anticommuniste encore prégnant chez une partie de la population. Une stratégie risquée qui pourrait attiser les tensions dans la péninsule coréenne.
Cette crise politique majeure met en lumière la fragilité de la jeune démocratie sud-coréenne et les profonds clivages qui traversent la société. Au-delà du bras de fer budgétaire, c’est l’avenir du modèle démocratique et libéral du pays qui semble en jeu. La communauté internationale suivra avec attention l’évolution de la situation dans ce pays clé de l’Asie du Nord-Est.