Les récentes émeutes au Bangladesh ont donné lieu à des attaques contre la minorité hindoue, suscitant l’inquiétude chez certains politiques indiens. Lundi, Mamata Banerjee, ministre en chef du Bengale-Occidental, un État voisin du Bangladesh, a choqué Dacca en exhortant New Delhi à demander le déploiement de casques bleus de l’ONU à travers le pays pour protéger les hindous et autres minorités menacées.
Son appel intervient après des semaines de tensions intercommunautaires depuis la chute en août du gouvernement de Sheikh Hasina, première femme à avoir dirigé le Bangladesh. Dès l’annonce de son éviction, des représailles contre les partisans présumés de l’ex-Première ministre ont visé la communauté hindoue, qui redoute de nouvelles violences.
Le Bangladesh « consterné » par la demande indienne
Sans surprise, le gouvernement intérimaire du Bangladesh s’est dit consterné par la proposition de Mamata Banerjee, y voyant l’une des plus grandes défiances indiennes depuis le renversement de Sheikh Hasina. Touhid Hossain, ministre des Affaires étrangères par intérim, a exprimé son incompréhension :
Je ne sais pas, je ne comprends pas pourquoi Mamata Banerjee a fait une telle déclaration. Je la connais personnellement.
– Touhid Hossain, ministre des Affaires étrangères par intérim du Bangladesh
Il a également accusé les médias indiens de diffuser de fausses informations sur la situation des hindous bangladais. Néanmoins, M. Hossain s’est montré plus conciliant envers le gouvernement indien, estimant que « les problèmes peuvent être résolus » et que « les intérêts mutuels doivent être préservés ».
Dissiper les malentendus
Le ministre intérimaire a indiqué s’être entretenu avec d’autres diplomates étrangers pour « dissiper les malentendus sur les questions relatives aux minorités ». Une nécessité dans ce pays de 170 millions d’habitants à majorité musulmane, où l’opinion publique reste hostile à l’Inde, principal soutien du règne autoritaire de Sheikh Hasina.
Des militants hindous ont même tenté lundi de prendre d’assaut un consulat bangladais à Agartala, une ville indienne proche de la frontière. Pendant ce temps, les partisans du collectif islamiste Hefazat-e-Islam manifestent contre l’Inde, accusée de mener une campagne anti-Bangladesh.
L’Inde doit-elle intervenir ?
La proposition de Mamata Banerjee soulève la question épineuse du rôle de l’Inde face aux tensions communautaires chez son voisin. Si la sécurité des minorités préoccupe légitimement New Delhi, une intervention aussi directe dans les affaires intérieures du Bangladesh pourrait avoir l’effet inverse de celui escompté.
Le nouveau gouvernement bangladais doit en effet asseoir sa légitimité et ne peut se permettre de donner l’impression d’agir sous la pression indienne. Une approche plus discrète, passant par le dialogue et la coopération, permettrait sans doute de mieux apaiser les tensions.
La stabilité du Bangladesh et l’harmonie entre ses communautés religieuses sont cruciales pour la région. L’Inde a certes un rôle à jouer, mais en partenaire respectueux de la souveraineté de son voisin plutôt qu’en puissance dominatrice. Un équilibre délicat à trouver en ces temps troublés.