Au cœur du système politique français, la motion de censure fait régulièrement parler d’elle. Procédure courante mais rarement victorieuse, elle permet à l’opposition de défier le gouvernement en place. Retour sur plus de 60 ans de joutes parlementaires, de Georges Pompidou à Gabriel Attal.
La Censure, une Épée de Damoclès sur le Gouvernement
Depuis l’avènement de la Ve République en 1958, plus de 130 motions de censure ont été déposées à l’Assemblée nationale. Véritable symbole du contre-pouvoir parlementaire, cette procédure permet aux députés de renverser le gouvernement. Mais dans les faits, son succès reste extrêmement rare.
La motion de censure peut être lancée de deux manières :
- À l’initiative des députés pour sanctionner la politique gouvernementale (article 49.2 de la Constitution).
- En réponse à l’engagement de responsabilité du gouvernement sur un texte (article 49.3).
1962, l’Unique Succès de la Censure
Dans toute l’histoire de la Ve République, une seule motion de censure a été adoptée, en octobre 1962. À l’époque, l’opposition de gauche et de droite non-gaulliste s’unit contre le projet d’élection du président au suffrage universel porté par Georges Pompidou. Le texte est voté par 280 députés sur 480.
Face à cet échec cuisant, Pompidou remet sa démission au général de Gaulle qui dissout l’Assemblée nationale. Le référendum sur l’élection présidentielle et les législatives qui suivent donneront finalement raison aux gaullistes. Pompidou sera reconduit à Matignon.
Pour être adoptée, une motion de censure doit recueillir la majorité absolue, soit 287 voix. Mais aucune déposée en réponse au 49.3 n’a été adoptée depuis 1958.
De Borne à Attal, un Vent de Fronde Souffle sur Matignon
Plus récemment, sous le second quinquennat d’Emmanuel Macron, la censure est revenue sur le devant de la scène. L’ex-Première ministre Élisabeth Borne y a été confrontée pas moins de 30 fois en un an, notamment lors de la réforme controversée des retraites. La motion transpartisane du 20 mars 2023 échouera à seulement 9 voix près.
Son successeur, le jeune Gabriel Attal, a déjà dû affronter 3 motions en quelques mois de mandat, preuve que la défiance des oppositions reste vive. L’expérimenté Michel Barnier y a lui aussi goûté, un mois à peine après sa nomination en octobre dernier.
Quand l’Opposition fait Front Commun
Il n’est pas rare de voir fleurir plusieurs motions de censure en simultané. Les votes étant séparés, un même député peut d’ailleurs apporter sa voix à différents textes. Une pratique courante à la fin des années 70, quand la gauche socialiste et communiste multipliait les offensives contre Raymond Barre.
Une stratégie payante en octobre 1962, lorsque le cartel des oppositions fit chuter Pompidou. Mais globalement, la censure reste l’arme des faibles, une épée de Damoclès plus symbolique que réellement menaçante. Son principal intérêt : braquer les projecteurs sur un sujet controversé et mettre la pression sur l’exécutif.
Malgré son faible taux de réussite, la motion de censure demeure un pilier de la vie parlementaire française. Témoin des grandes heures de la Ve République, elle rappelle que sous les ors de la République, la bataille politique fait rage en permanence.