C’était presque inéluctable. Ce lundi, à la tribune de l’Assemblée nationale, le premier ministre Michel Barnier a actionné l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter son projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Une décision lourde de conséquences, annoncée après une ultime concession accordée aux députés du Rassemblement national.
Un 49.3 malgré un accord de dernière minute
Selon des sources proches de Matignon, Michel Barnier s’est engagé auprès de Marine Le Pen à ce que le budget ne contienne aucune disposition prévoyant le déremboursement des médicaments en 2025. Une ligne rouge pour le RN, fermement opposé à cette mesure. Mais cela n’aura pas suffi à éviter le recours au 49.3, qui permet l’adoption d’un texte sans vote.
De nombreuses demandes ont été exprimées sur le sujet. Madame Marine Le Pen, au nom du Rassemblement national, l’a rappelé au premier ministre ce matin encore lors d’un entretien téléphonique.
Un communiqué de Matignon
Le spectre d’une motion de censure
En activant le 49.3, Michel Barnier prend le risque de voir son gouvernement renversé. Les oppositions ne manqueront pas de déposer une motion de censure, au premier rang desquelles le Nouveau Front populaire. Le vote devrait avoir lieu mercredi. D’ici là, c’est un véritable compte à rebours qui s’enclenche pour l’exécutif.
Selon des sources au sein du RN, malgré l’accord sur le déremboursement des médicaments, une dernière ligne rouge subsisterait : la désindexation des retraites, qui figurerait toujours dans le texte du gouvernement. De quoi fragiliser le soutien des députés RN, pourtant crucial pour la survie du gouvernement Barnier.
Un budget sous haute tension
En toile de fond de ce psychodrame politique, un budget 2025 particulièrement sensible. Avec 3,3 milliards de hausse prévus pour la défense nationale dans le cadre de la loi de programmation militaire, une censure du gouvernement aurait des conséquences majeures, comme le souligne le sénateur Cédric Perrin :
La censure du gouvernement, coup de poignard dans le dos de notre défense nationale.
Cédric Perrin, sénateur
Autre point de crispation : l’accusation portée par Olivier Faure, premier secrétaire du PS, selon laquelle Michel Barnier aurait « trahi le front républicain » en négociant avec le RN. Une critique qui fait écho aux craintes de voir l’extrême droite entrer dans la danse des tractations budgétaires.
L’avenir du gouvernement en jeu
Dans les couloirs de l’Assemblée, c’est un gouvernement en sursis qui retient son souffle. Malgré la menace d’une censure, les ministres affichent une détermination sans faille, insistant sur les conséquences dramatiques qu’aurait un rejet du budget pour le pays. Une posture qui peine à masquer la fébrilité ambiante.
Pour l’économiste Nicolas Baverez, cette crise politique intervient au pire moment, alors que la France et l’Europe font face à une crise financière majeure et une tension internationale extrême. Il pointe du doigt « l’irresponsabilité de la classe politique française », incapable de se hisser à la hauteur des enjeux.
Une chose est sûre : avec ce recours au 49.3, Michel Barnier joue son va-tout. Réussira-t-il son pari ? Réponse dans les prochains jours, qui s’annoncent déterminants pour l’avenir du gouvernement et du pays. Les Français retiennent leur souffle.