Dans un revirement inattendu, la Norvège a décidé de suspendre ses ambitieux projets d’exploitation minière des fonds marins. Selon un allié du gouvernement, le pays scandinave ne délivrera pas de permis de prospection en 2025 comme initialement prévu. Cette annonce surprise soulève des interrogations sur l’avenir de cette industrie émergente aux enjeux économiques et environnementaux majeurs.
Une volte-face sous pression
C’est le parti de la Gauche socialiste, membre de la coalition au pouvoir, qui a obtenu ce moratoire lors des négociations budgétaires avec le gouvernement minoritaire. Un coup de théâtre dans un pays qui ambitionnait de devenir un pionnier mondial de l’extraction de minerais et métaux rares enfouis dans les profondeurs océaniques.
« Nous avons arrêté les projets d’extraction de minerais dans les fonds sous-marins »
– Kirsti Bergstoe, cheffe du parti de la Gauche socialiste
La Norvège avait pourtant donné son feu vert en janvier dernier à l’ouverture d’une vaste zone de ses fonds marins à la prospection minière. Pas moins de 280 000 km2, soit plus que la superficie du Royaume-Uni. Le gouvernement comptait attribuer ses premiers permis d’exploration dès 2025, malgré les mises en garde de scientifiques, d’ONG et d’autres états.
Un écosystème fragile et méconnu
Au cœur des préoccupations : l’impact potentiellement dévastateur de l’extraction minière sur les fonds marins, un environnement encore largement inexploré et déjà fragilisé par le réchauffement climatique. Parmi les risques évoqués :
- La destruction directe d’habitats et d’organismes des abysses
- La pollution sonore et lumineuse
- Les fuites chimiques des machines
- La perturbation des écosystèmes par les déplacements de sédiments et d’espèces
Autant de menaces pour une biodiversité unique et vitale, que la communauté scientifique commence à peine à découvrir et comprendre. Une mise en garde relayée par de nombreuses ONG environnementales, qui dénoncent une ruée vers « l’or des grands fonds » potentiellement dévastatrice.
L’appel des ressources minérales profondes
Pourtant, l’attrait des fonds marins est puissant pour un pays comme la Norvège. Son immense plateau continental abriterait de vastes gisements de minéraux cruciaux pour la transition énergétique, comme le cuivre, le cobalt, le zinc ou les terres rares. Des matières premières indispensables aux batteries électriques, turbines d’éoliennes, ordinateurs et smartphones.
Selon Oslo, la prospection permettrait de recueillir les connaissances qui font actuellement défaut sur ces écosystèmes profonds et les impacts potentiels de leur exploitation.
Face à la pression croissante pour décarboner l’économie, de nombreux pays lorgnent les richesses minérales des abysses. Certains y voient aussi un moyen de réduire leur dépendance à des fournisseurs comme la Chine, qui domine le marché des métaux stratégiques. Une course aux ressources qui inquiète, alors même que la recherche sur ces milieux extrêmes en est à ses balbutiements.
Vers un cadre juridique international
La volte-face norvégienne illustre les profondes divergences qui agitent la communauté internationale sur cette question épineuse. Alors que certains pays comme la Chine, le Japon ou la Russie poussent pour un feu vert à l’exploitation commerciale, d’autres comme la France ou l’Allemagne appellent à la précaution et à un moratoire.
En parallèle, l’Autorité internationale des fonds marins, l’organe de l’ONU chargé de réglementer ces activités en haute mer, travaille sur un code minier qui pourrait être adopté d’ici 2025. Un cadre juridique très attendu, mais aussi critiqué par les défenseurs de l’environnement qui le jugent insuffisant face aux risques.
Superficie ouverte à la prospection minière en Norvège | 280 000 km2 |
Profondeur moyenne des fonds marins concernés | 1500 m |
Estimation du nombre d’espèces inconnues dans les abysses | 10 millions |
En attendant, le moratoire norvégien marque un coup d’arrêt symbolique pour une industrie naissante qui suscite autant d’espoirs que d’inquiétudes. Entre impératifs économiques et préservation des océans, la communauté internationale devra trouver un équilibre délicat. Et surtout, combler d’urgence les immenses lacunes scientifiques sur ces écosystèmes fascinants et vulnérables que recèlent les abysses.