Harvard, l’une des plus prestigieuses universités au monde, traverse une période de turbulences. Confrontée à des controverses croissantes autour de sujets sensibles comme le conflit israélo-palestinien, l’institution vient de rendre publique une décision forte : elle ne prendra plus position sur des questions éloignées de sa mission première d’éducation et de recherche. Un choix de neutralité qui ne fait pas l’unanimité.
L’Éducation Avant Tout : Harvard Recentre ses Priorités
Dans un rapport publié mardi, la direction d’Harvard a annoncé sa volonté de ne plus afficher de parti pris sur des sujets qui “ne concernent pas directement ses fonctions principales”. Cette décision intervient après des mois de polémiques sur le campus, avec notamment des mobilisations pro-palestiniennes sans précédent parmi les étudiants et associations.
Pour Alison Simmons et Noah Feldman, co-directeurs du groupe de travail à l’origine de ces nouvelles règles, il s’agit de recentrer l’université sur sa mission première : “créer un environnement dans lequel nous puissions avoir un échange sain, productif et libre d’idées”. Un retour aux fondamentaux académiques en somme, loin des passions militantes.
Un Climat Délétère sur le Campus
Mais cette neutralité affichée ne sort pas de nulle part. Depuis plusieurs mois, Harvard fait face à une pression croissante de la part d’étudiants et d’associations militantes, notamment sur la question palestinienne. En mai dernier, 34 associations étudiantes avaient signé un communiqué dénonçant le “régime d’apartheid” israélien, exigeant une rupture des liens entre l’université et l’État hébreu.
Beaucoup de personnes se sentent obligées de “parler pour Harvard” alors qu’elles ne le souhaitent pas.
Alison Simmons, co-directrice du groupe de travail
Un “climat délétère” dénoncé par de nombreux membres de la communauté universitaire, qui se disent “obligés” de prendre position sur des sujets clivants. La démission forcée de la présidente d’Harvard en janvier, accusée de ne pas condamner assez fermement l’antisémitisme, illustre la pression militante qui s’exerce sur le campus.
Entre Soutien et Critiques, la Neutralité en Question
Si cette décision est saluée par certains comme un gage de liberté académique, d’autres y voient une forme de déni. C’est le cas d’Eric Reinhart, doctorant à Harvard, qui accuse l’université “d’investir activement dans la fabrication d’armes” tout en se disant neutre. Une manière de pointer les contradictions d’une institution parfois impliquée financièrement dans les conflits qu’elle prétend ignorer.
Mais pour ses défenseurs, cette neutralité est un rempart essentiel pour la liberté d’expression et le débat d’idées sur les campus. En refusant de prendre parti, Harvard permettrait à toutes les opinions de s’exprimer librement, sans pression institutionnelle. Un équilibre fragile, mais nécessaire pour préserver l’indépendance de la recherche et de l’enseignement.
Vers un Nouveau Modèle d’Université ?
Au-delà de Harvard, c’est tout le modèle universitaire américain qui est questionné. Face à la politisation croissante des campus, de plus en plus d’établissements choisissent la voie de la neutralité institutionnelle. Columbia, Chicago, Yale… Nombreuses sont les universités à avoir adopté des règles similaires ces dernières années.
Une tendance qui pourrait bien se confirmer à l’avenir, alors que les controverses identitaires et politiques ne cessent de gagner du terrain dans le monde académique. En choisissant le retrait plutôt que l’engagement, les universités tentent de préserver leur rôle de lieu de savoir et de débat, loin des passions militantes. Reste à savoir si cette neutralité revendiquée résistera à la pression des campus.