Dans un rebondissement judiciaire stupéfiant, un tribunal bangladais vient d’annuler les condamnations prononcées dans le cadre d’un attentat meurtrier qui avait visé l’ex-Première ministre Sheikh Hasina en 2004. Cette décision inattendue soulève de nombreuses questions sur le fonctionnement de la justice au Bangladesh.
Un attentat sanglant qui avait choqué le pays
Rappelons les faits : en août 2004, une violente explosion avait secoué un rassemblement politique où Sheikh Hasina, alors cheffe de l’opposition, venait de prendre la parole. L’attaque à la grenade avait fait une vingtaine de morts et de nombreux blessés, plongeant le Bangladesh dans la stupeur.
À l’époque, les soupçons s’étaient rapidement portés sur le gouvernement en place, dirigé par la rivale politique de Sheikh Hasina, Khaleda Zia. Mais le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP) de Mme Zia avait fermement nié toute implication.
Un responsable politique condamné par contumace
Après de longues années d’enquête, Tarique Rahman, fils de Khaleda Zia et président par intérim du BNP, avait finalement été reconnu coupable d’avoir orchestré cet attentat. Réfugié à Londres, il avait été condamné par contumace en 2018, ainsi que 48 autres personnes.
Mais le camp de Rahman n’avait cessé de clamer son innocence, affirmant que le procès était entaché d’ingérences politiques visant à discréditer l’opposition. Ses avocats soutenaient notamment que les accusés avaient été forcés de le désigner comme commanditaire.
Un vice de procédure remet tout en cause
Et c’est précisément sur ce point que la Haute Cour de Dacca vient de leur donner raison. Dans son arrêt rendu ce dimanche, elle a jugé que les condamnations prononcées en 2018 étaient illégales en raison d’un vice de procédure lors du procès en première instance.
L’État a présenté 225 témoins, dont aucun n’a déclaré avoir vu l’un des accusés lancer des grenades ou participer à des réunions en vue de commettre cette attaque.
S. M. Shahjahan, avocat de la défense
Selon la défense, les suspects auraient été détenus arbitrairement pendant 261 jours par les services de renseignement, qui leur auraient extorqué des aveux sous la contrainte. Des allégations explosives qui jettent le trouble sur l’ensemble de la procédure.
Les familles des victimes en quête de vérité
Si ce nouveau rebondissement judiciaire est une victoire pour Tarique Rahman et les autres accusés, il laisse un goût amer aux proches des victimes. Beaucoup craignent que la vérité ne soit jamais établie sur ce sanglant attentat.
J’ai vu des morceaux de corps éparpillés dans la rue. Le tribunal a acquitté tout le monde, mais les victimes attendent toujours que justice soit rendue.
Tafiqul Islam, témoin de l’attaque
Une source proche du dossier a confié que les familles endeuillées étaient sous le choc de cette décision et comptaient se battre pour obtenir la tenue d’un nouveau procès. Mais dans le climat politique tendu qui règne au Bangladesh, rien ne garantit qu’elles obtiendront gain de cause.
Sheikh Hasina chassée du pouvoir en 2023
Ironie du sort, ce coup de théâtre survient près d’un an après la chute de Sheikh Hasina, contrainte de fuir en exil en Inde en août 2022 sous la pression d’un vaste mouvement de contestation. Celle qui dirigeait le pays d’une main de fer depuis 2009 a dû céder le pouvoir, laissant le Bangladesh dans l’incertitude.
Aujourd’hui, beaucoup s’interrogent sur les conséquences de ce énième rebondissement judiciaire sur la fragile stabilité du pays. Une chose est sûre : 18 ans après les faits, l’attentat de 2004 continue de hanter la vie politique bangladaise. Et le chemin vers la vérité et la réconciliation semble encore bien long.