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La langue française triomphante à la cour des tsars de Russie

Au XVIIIe siècle, le français rayonnait dans toute l'Europe, jusqu'à la lointaine Russie. Plongez dans l'incroyable histoire de son règne à la cour des puissants tsars Romanov...

Au XVIIIe siècle, alors que l’Europe vivait à l’heure française, cette langue de Molière étendait son influence jusqu’aux confins de la Russie. La cour impériale des tsars Romanov, pourtant si éloignée de Versailles, n’échappait pas à cette vague de « francisation » qui déferlait sur le continent. Mais comment expliquer un tel engouement pour le français dans ce vaste empire encore largement méconnu des Occidentaux à l’époque ?

Le français, atout maître sur l’échiquier politique européen

À l’heure où les monarchies européennes rivalisaient d’influence, maîtriser le français s’avérait un avantage stratégique de taille. Langue de la diplomatie et des élites cultivées, elle ouvrait les portes des grandes cours et permettait de tisser de précieux réseaux d’alliance. Les souverains russes, bien décidés à arrimer leur empire au concert des nations, comprirent rapidement tout le parti qu’ils pouvaient en tirer.

Catherine II, tsarine francophile et amie des philosophes

Figure emblématique de cette francisation de la Russie, la grande Catherine II, surnommée la « Sémiramis du Nord », joua un rôle décisif. Cette souveraine éclairée, en quête de prestige sur la scène internationale, se prit de passion pour la langue et la culture françaises. Férue des écrits de Montesquieu, Diderot et d’Alembert, elle entretint une riche correspondance avec Voltaire, auquel elle vouait une admiration sans bornes.

Monsieur, en lisant votre Encyclopédie, je répétais ce que j’ai dit mille fois, qu’avant vous personne n’écrivit comme vous.

– Catherine II à Voltaire

Ces échanges épistolaires, savamment orchestrés, permirent à la tsarine de se poser en monarque éclairée et tolérante, soucieuse du bien-être de ses sujets. Une image fort éloignée de la réalité d’un régime despotique et expansionniste, mais qui servait à merveille ses ambitions géopolitiques.

Un ballet diplomatique en langue française

La cour de Russie devint alors un véritable théâtre où se jouait, en français, un subtil ballet diplomatique. Nobles et ambassadeurs rivalisaient d’élégance verbale, échangeant bons mots et traits d’esprit dans la langue de Molière. Voltaire lui-même s’émerveillait qu’on y parlât « plus purement qu’à Versailles ».

Mais cette gallomanie des élites russes, pour sincère et profonde qu’elle fût, servait aussi des desseins politiques. En adoptant les codes de la sociabilité française, les Romanov espéraient gagner en respectabilité auprès des cours européennes et asseoir leur influence sur l’échiquier géopolitique.

Un « soft power » à la française en terre russe

Le français devint ainsi l’idiome incontournable de l’aristocratie russe, symbole de distinction et de raffinement. On l’enseignait aux jeunes nobles dès leur plus jeune âge, on l’utilisait dans la correspondance privée comme dans les affaires publiques. Les bibliothèques regorgeaient d’ouvrages français, tandis que résonnaient dans les salons de Saint-Pétersbourg et Moscou les vers de Racine et les airs de Lully.

Cette hégémonie culturelle française en Russie perdura tout au long du XVIIIe siècle et une bonne partie du XIXe. Preuve éclatante de la puissance de ce « soft power » avant l’heure, qui façonna durablement les mentalités des élites russes et leur rapport au monde occidental.

Un héritage linguistique encore vivace

Aujourd’hui encore, la langue russe porte l’empreinte profonde de cette influence française. De très nombreux mots français sont passés dans le vocabulaire courant, du пальто (paletot) au багаж (bagage) en passant par резюме (résumé). Autant de témoins d’une époque où la langue de Molière régnait sans partage sur les rives de la Neva.

L’histoire surprenante de cette francisation de la Russie impériale nous rappelle le pouvoir fédérateur d’une langue, capable de rapprocher des peuples et des cultures que tout semblait séparer. Un bel exemple de dialogue interculturel, à l’heure où notre monde globalisé en a plus que jamais besoin.

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