En Roumanie, un vent d’extrême droite souffle sur les élections législatives et présidentielles, porté par les difficultés économiques croissantes auxquelles fait face la population. Dans ce pays, l’un des plus pauvres d’Europe, l’inflation galopante et les conditions de vie précaires poussent de nombreux électeurs vers les partis populistes, en quête d’un changement radical.
Les Roumains pris à la gorge par l’inflation record
Ana Sandu, retraitée de 65 ans, ne peut plus faire ses courses comme avant dans son quartier populaire de Bucarest. Avec une inflation toujours galopante, elle doit se contenter d’achats au rabais en fin de journée sur les marchés. Malgré sa pension d’environ 400 euros, complétée par l’aide de son fils parti travailler à l’étranger comme de nombreux Roumains, Ana peine à joindre les deux bouts entre ses frais médicaux et ses factures.
Je ne pense même pas à acheter de la viande, je dois me contenter de légumes.
Ana Sandu, retraitée roumaine
Avec un taux de 5,5% attendu en 2024 selon la Commission européenne, la Roumanie connaît l’inflation la plus élevée de l’UE. Une situation qui alimente le vote antisystème et populiste, sur fond de défiance envers les partis traditionnels jugés incapables d’améliorer les conditions de vie.
L’extrême droite en embuscade
Lors du premier tour de la présidentielle fin novembre, l’ex-haut fonctionnaire Calin Georgescu, antivax et admirateur de Vladimir Poutine, a créé la surprise en arrivant en tête. Un séisme politique dans ce pays jusqu’ici épargné par les poussées nationalistes ayant touché le reste de la région. Des partis comme l’AUR (Alliance pour l’unité des Roumains) espèrent surfer sur cette dynamique lors des législatives de dimanche, où l’extrême droite est créditée d’intentions de vote record avoisinant les 30%.
Un besoin urgent de réformes économiques
Pour les experts, le succès des populistes s’explique aussi par la mauvaise gestion des entreprises publiques et la piètre qualité des services publics, au-delà du seul contexte inflationniste. La Roumanie doit s’atteler de toute urgence à des réformes structurelles pour redresser son économie et rassurer une population en quête de perspectives.
Le pays a besoin d’accélérer les réformes, de combattre l’évasion fiscale et de privatiser des entreprises publiques pour assainir son économie. Mais cela demande un gouvernement et un parlement déterminés, ce qui risque de manquer.
Cristian Valeriu Paun, professeur de finance internationale
Du côté des électeurs, l’heure est au désenchantement. Adrian Dragnea, 39 ans et père de famille, estime que « la situation n’est pas mauvaise mais pourrait être meilleure ». Il s’attend à ce que « les difficultés durent » et que peu de choses changent malgré les élections.
Les gens veulent que tout s’améliore du jour au lendemain. Tu ne peux pas faire grand-chose de plus que d’aller voter et espérer que ça ira mieux.
Adrian Dragnea, électeur roumain
Un avenir politique incertain
Les élections législatives et le second tour de la présidentielle prévu le 8 décembre s’annoncent donc décisifs pour l’avenir de la Roumanie. Le pays saura-t-il se doter d’une équipe dirigeante capable de redresser l’économie et d’améliorer les conditions de vie, ou cèdera-t-il aux sirènes de l’extrême droite et du repli nationaliste ? Les prochaines semaines seront cruciales pour ce pays en quête d’un nouveau souffle, pris en étau entre aspirations européennes et tentation populiste.
Face à la montée des périls, la Roumanie se trouve à la croisée des chemins. Les difficultés économiques et le désenchantement démocratique font le lit des discours extrémistes, sur fond de profondes fractures sociales héritées de l’ère communiste. Il appartient désormais aux forces progressistes de proposer un projet alternatif crédible pour contrer les dérives populistes et redonner espoir à une population éprouvée par des années de crise. L’enjeu n’est autre que l’avenir européen de la Roumanie et la consolidation de ses acquis démocratiques.