Derrière le vote pour le Rassemblement national (RN) se cache un rejet profond des valeurs portées par les élites très diplômées des grandes métropoles, révèle une étude récente. Un dégagisme qui en dit long sur les fractures qui traversent la société française.
Le vote RN, un vote de déclassement social ?
Le vote RN est souvent présenté comme l’expression d’un déclassement social et économique. Pourtant, l’étude menée par la Fondapol montre que les territoires qui votent le plus RN ne sont pas forcément les plus pauvres ou ceux qui ont le moins profité de la mondialisation.
Au contraire, les données indiquent un rattrapage économique des communes les moins favorisées par rapport aux plus aisées sur les 30 dernières années. Ce qui bat en brèche l’idée d’une France coupée en deux, avec d’un côté les gagnants, de l’autre les perdants de la mondialisation.
Le niveau de diplôme, facteur clé du vote RN
Plus que la situation économique, c’est le niveau de diplôme qui apparaît comme un facteur déterminant du vote RN. Selon l’auteur de l’étude, Guillaume Bazot, le vote RN traduit avant tout un rejet des valeurs et du mode de vie des catégories les plus diplômées, concentrées dans les grandes métropoles.
Le vote RN est un dégagisme de l’ensemble des valeurs véhiculées par les très diplômés des grandes métropoles.
Guillaume Bazot, auteur de l’étude
Un vote de défiance envers les élites
Au-delà d’un simple vote contestataire, le succès du RN dans certains territoires moins favorisés traduit une défiance profonde envers des élites perçues comme déconnectées des réalités. Un sentiment d’abandon et de mépris qui nourrit un rejet global du système et de ceux qui l’incarnent.
Pour les catégories populaires moins diplômées, le mode de vie et les valeurs des élites métropolitaines apparaissent comme une menace pour leur identité et leurs repères traditionnels. Le vote RN serait alors une manière de réaffirmer des valeurs perçues comme « populaires » face à une élite jugée arrogante et moralisatrice.
Une fracture culturelle et politique
Plus qu’un clivage économique, c’est donc une véritable fracture culturelle et politique qui se dessine à travers le vote RN. Un fossé qui sépare deux France : celle des métropoles mondialisées, portée par des élites très qualifiées, et celle des périphéries délaissées, qui se sentent incomprises et marginalisées.
Un constat qui interroge sur la capacité du système politique à réconcilier ces deux France et à répondre aux attentes de ces « oubliés ». Car derrière le vote RN, c’est aussi une demande de reconnaissance et de considération qui s’exprime de la part de catégories qui ne se sentent plus représentées ni entendues.
Vers un dépassement du clivage élites/peuple ?
Face à cette fracture, le défi pour les responsables politiques est de parvenir à retisser du lien entre ces France qui s’ignorent. Cela passe par une meilleure prise en compte des spécificités et des aspirations des territoires délaissés, mais aussi par un effort des élites pour se reconnecter avec les réalités vécues par les catégories populaires.
Un changement de logiciel qui nécessite de dépasser l’opposition simpliste entre « élites mondialisées » et « peuple des périphéries », pour construire un nouveau récit collectif capable de faire dialoguer ces deux mondes. Un enjeu crucial pour l’avenir de notre démocratie et la cohésion de notre société.
Car le succès du RN est aussi le symptôme d’une crise de la représentation démocratique et d’une forme d’épuisement du clivage droite-gauche traditionnel. Face à des élites jugées interchangeables et impuissantes, de plus en plus d’électeurs se tournent vers des options radicales qui promettent une rupture avec le « système ».
Un vote RN qui traduit une défiance généralisée envers les institutions et les corps intermédiaires, accusés d’avoir failli à leur mission de protection et de représentation des citoyens. Un rejet qui menace les fondements mêmes de notre pacte démocratique et appelle une refondation en profondeur de notre vie politique.
Le défi, c’est de réinventer une démocratie de proximité, ancrée dans les territoires, et de redonner du pouvoir d’agir aux citoyens.
Un responsable politique
Pour une nouvelle alliance des territoires
Cela passe notamment par une réforme de notre organisation territoriale, pour donner plus de place aux échelons de proximité comme les communes et intercommunalités. Des lieux de vie et de décision au plus près des attentes concrètes des citoyens, où peut se retisser la confiance avec les élus.
Mais aussi par de nouvelles formes de participation citoyenne, pour impliquer davantage les habitants dans l’élaboration des politiques publiques qui les concernent. Des budgets participatifs aux jurys citoyens, en passant par des consultations locales, les outils ne manquent pas pour faire vivre une démocratie plus directe et inclusive.
L’enjeu est de bâtir une nouvelle alliance des territoires, qui réconcilie métropoles et périphéries, en donnant à chacun les moyens de maîtriser son destin. Une République des territoires, diverse mais unie, où chaque citoyen, quel que soit son lieu de vie ou son niveau de diplôme, se sente pleinement partie prenante du projet collectif.
C’est à ce prix que l’on pourra endiguer la montée des populismes et redonner sens et vigueur à notre démocratie. En retissant du commun là où tout semble opposer, en faisant de nos différences une force plutôt qu’un ferment de division. Un pari audacieux, mais nécessaire pour construire la France de demain.