C’est une mesure qui ne manquera pas de faire réagir élèves, parents et enseignants. Dès la rentrée prochaine, le gouvernement compte expérimenter la “pause numérique” dans un collège par département. Derrière ce concept se cache une idée simple mais radicale : saisir les téléphones portables des élèves à leur arrivée le matin, et ne les leur restituer qu’à la fin des cours. Une proposition choc de la ministre de l’Éducation nationale Nicole Belloubet, qui entend ainsi remédier aux dérives liées à l’utilisation des smartphones en milieu scolaire.
Lutter contre le Cyberharcèlement et les Dérives
Si l’interdiction des téléphones portables dans les collèges est déjà en vigueur depuis 2018, force est de constater que la loi est loin d’être respectée partout. Nombreux sont les élèves qui continuent d’apporter leurs appareils en classe, profitant des intercours et des pauses méridiennes pour s’adonner aux joies des réseaux sociaux et de la messagerie instantanée. Un phénomène qui n’est pas sans conséquence, comme le souligne Nicole Belloubet :
Les conséquences de l’utilisation des téléphones portables au collège peuvent être dramatiques. Il faut absolument que l’interdiction prévue par la loi soit respectée.
– Nicole Belloubet, ministre de l’Éducation nationale
Parmi les dérives pointées du doigt, le cyberharcèlement arrive en tête de liste. Les smartphones permettent en effet de prendre des photos et des vidéos à l’insu des élèves, qui se retrouvent ensuite moqués et humiliés sur les réseaux sociaux. Un calvaire pour les victimes, qui peut avoir des conséquences dramatiques sur leur santé mentale et leurs résultats scolaires.
Des Répercussions sur la Concentration et les Apprentissages
Au-delà du cyberharcèlement, l’utilisation des portables en classe engendre aussi une perte de concentration chez les élèves. Selon un rapport de l’UNESCO, consulter son smartphone ne serait-ce que quelques secondes suffit à perturber durablement l’attention. Il faudrait ainsi près de 20 minutes à un collégien pour retrouver sa concentration initiale après avoir vérifié ses notifications ! Un constat inquiétant, quand on sait que les ados passent en moyenne 3h30 par jour sur leur téléphone.
La technologie ne doit être utilisée en classe que lorsqu’elle contribue à l’apprentissage des élèves.
– Rapport mondial de suivi de l’éducation 2023, UNESCO
Les Défis Logistiques de la Pause Numérique
Si l’intention est louable, la mise en place concrète de cette pause numérique soulève de nombreuses questions. Comment organiser la collecte et la restitution de centaines de téléphones chaque jour ? Où stocker ces appareils en toute sécurité ? Qui sera responsable en cas de vol ou de casse ? Autant de défis logistiques que les collèges expérimentateurs devront relever.
La ministre en est bien consciente, et reconnaît que cela supposera de “trouver un lieu où les élèves peuvent déposer leur portable à l’entrée du collège”. Une contrainte de taille, quand on sait que la plupart des établissements accueillent entre 300 et 600 élèves. Il faudra donc mettre en place un système de casiers sécurisés, et dégager du temps et du personnel pour gérer ce flux quotidien.
Un Sujet Clivant qui Suscite le Débat
Malgré ces difficultés, Nicole Belloubet souhaite aller de l’avant et généraliser ce dispositif à tous les collèges de France si l’expérimentation s’avère concluante. Une perspective qui est loin de faire l’unanimité. Pour les détracteurs de la pause numérique, interdire les portables serait une mesure “démagogique” et “inapplicable”. Ils plaident plutôt pour une éducation au numérique, afin d’apprendre aux élèves à utiliser leur smartphone de manière responsable et citoyenne.
Les partisans de l’interdiction, eux, jugent que l’école doit rester un “sanctuaire” préservé des écrans et des réseaux sociaux. Ils estiment que les ados ont besoin de “déconnecter” pour se concentrer sur les apprentissages fondamentaux et tisser des liens réels avec leurs camarades. Un débat passionné qui ne manquera pas de rebondir tout au long de cette expérimentation inédite.
Une chose est sûre : avec cette pause numérique, le gouvernement compte bien remettre les pendules à l’heure et rappeler que le téléphone n’a pas sa place en classe. Reste à savoir si cette mesure choc suffira à endiguer les dérives liées aux smartphones chez les collégiens. Réponse dans quelques mois, au terme de cette expérimentation grandeur nature qui s’annonce d’ores et déjà riche en enseignements.