C’est un camouflet pour l’ancien gouvernement conservateur britannique. Le célèbre et sulfureux trio de rap nord-irlandais Kneecap vient de remporter une victoire judiciaire symbolique à Belfast. En 2023, Londres leur avait refusé une subvention d’environ 18 000 euros en raison de leurs prises de position jugées hostiles au Royaume-Uni. Une décision qu’ils avaient dénoncée comme discriminatoire.
Connu pour son style irrévérent et ses paroles en gaélique prônant la réunification de l’Irlande, Kneecap ne mâche pas ses mots quand il s’agit de s’opposer à la domination britannique. Un militantisme qui leur avait valu de devenir la bête noire des conservateurs alors au pouvoir, et notamment de la ministre du Commerce de l’époque, Kemi Badenoch. Cette dernière, depuis devenue cheffe de l’opposition, avait personnellement bloqué le versement de l’aide pourtant préalablement approuvée par l’industrie du disque.
Il n’est guère surprenant que nous ne voulions pas donner l’argent du contribuable à des gens qui s’opposent au Royaume-Uni en lui-même.
– Un porte-parole du gouvernement britannique en 2023
Mais le nouveau gouvernement travailliste élu en juillet a reconnu le caractère illégal de ce refus. Au tribunal, les deux parties sont parvenues à un accord : Kneecap touchera bien la subvention promise. Pour le groupe, c’est bien plus qu’une simple question d’argent :
C’était une attaque contre la culture, contre l’Accord du Vendredi saint, contre nous-mêmes et notre manière de nous exprimer.
– Réaction de Kneecap suite à la décision de justice
Un groupe engagé et une popularité grandissante
Fondé en 2017 à Belfast, Kneecap s’est fait connaître pour ses textes sans concession, son flow incisif et son utilisation du gaélique irlandais, langue qu’ils contribuent à faire revivre auprès des jeunes générations. Leur musique est indissociable de leur engagement pour une Irlande réunifiée et indépendante.
Cette sincérité et cette liberté de ton leur ont valu un succès grandissant, dépassant rapidement les frontières de l’île. Le documentaire-fiction qui leur a été consacré cette année, primé au festival de Sundance, témoigne de cette notoriété. Nommé dans 14 catégories aux British Independent Film Awards, le film a offert une vitrine inédite à ces porte-voix de la jeunesse nord-irlandaise.
La subvention ira à des associations de jeunesse
Fidèle à ses valeurs, Kneecap ne compte pas garder la somme obtenue suite à cette victoire judiciaire. Les 18 000 euros iront directement à des organisations de jeunesse de Belfast. Un geste en accord avec leur volonté d’émancipation de la nouvelles génération irlandaise.
Un symbole fort pour la liberté d’expression artistique
Au-delà du cas de Kneecap, cette décision fait jurisprudence en matière de liberté d’expression artistique face au pouvoir politique. Comme le souligne leur avocat, il s’agit d’une « victoire pour les arts, la culture et la liberté d’expression ». Un message fort alors que les tensions communautaires restent vives en Irlande du Nord, près de 25 ans après l’Accord du Vendredi saint.
Pour Kneecap, ce succès juridique et le retentissement de leur film documentaire marquent une nouvelle étape dans leur parcours. Sans rien renier de leurs convictions, ils gagnent en légitimité et en audience, s’imposant comme une voix essentielle du paysage culturel irlandais. Une revanche pour ce groupe qui n’a jamais cessé de faire résonner haut et fort son cri d’indépendance, par-delà les pressions et les tentatives de censure.
