Ils étaient ultraconnectés, organisés et sans scrupules. Un réseau criminel spécialisé dans les vols de voitures de grand luxe vient d’être démantelé par les forces de l’ordre. 17 individus ont été interpellés mardi dernier, mettant ainsi fin à une série de larcins high-tech qui a causé un préjudice estimé à plus de 2 millions d’euros en l’espace de quelques mois seulement. Zoom sur une affaire hors normes.
Des voleurs 2.0 exploitant les failles de sécurité numériques
Le mode opératoire de cette bande était des plus sophistiqués. Loin des méthodes traditionnelles, ces malfaiteurs n’hésitaient pas à pirater les systèmes électroniques embarqués des véhicules ciblés afin de pouvoir les dérober sans effraction. Ils exploitaient ainsi des vulnérabilités logicielles présentes sur certains modèles haut de gamme pour en prendre le contrôle à distance, déverrouiller les portières et démarrer le moteur.
Une méthode “propre” et discrète qui leur permettait d’opérer rapidement, souvent en pleine nuit, sans laisser de traces. Les voitures étaient ensuite rapidement convoyées vers des garages servant de planques avant d’être maquillées puis revendues sur le marché parallèle, en France mais surtout à l’étranger.
60 victimes et 2 millions d’euros de butin
L’enquête a établi qu’en quelques mois d’activité, le réseau criminel a réussi à voler pas moins de 60 véhicules de luxe, causant un préjudice financier conséquent à leurs propriétaires et aux compagnies d’assurance :
Les investigations ont permis de déterminer que 60 personnes ont été victimes de ces vols, représentant plus de 2 millions d’euros de préjudice.
Le parquet de Bordeaux
Un chiffre impressionnant au vu de la courte période durant laquelle les malfaiteurs ont sévi. Il faut dire que les modèles dérobés avaient de quoi séduire les réseaux de receleurs. Au catalogue des voleurs : des Porsche, des BMW, des Mercedes et autres bolides dont la valeur à la revente au noir pouvait rapidement grimper.
L’Europe de l’Est et l’Afrique, plaques tournantes du trafic
Si certains des véhicules volés étaient écoulés en France, une bonne partie d’entre eux prenaient rapidement le chemin de l’étranger. Les enquêteurs ont en effet découvert que la bande envoyait une grande partie de son butin vers plusieurs pays d’Europe de l’Est mais aussi d’Afrique de l’Ouest, des régions hélas coutumières des trafics en tout genre.
Pour brouiller les pistes, les malfaiteurs n’hésitaient pas à maquiller les voitures volées et à utiliser de faux papiers afin de leur faire passer les frontières. Une fraude à l’immatriculation bien rodée que les forces de l’ordre ont fini par repérer.
Du matériel high-tech saisi lors des perquisitions
Au terme de plusieurs mois d’enquête, une vague d’interpellation et de perquisitions a été lancée le 28 mai dernier, mobilisant plus de 200 gendarmes et policiers.
De nombreuses pièces à conviction ont pu être saisies à cette occasion :
- 14 voitures dérobées
- Des plaques d’immatriculation
- De fausses cartes grises
- Des étiquettes de caractéristiques techniques
- Et surtout, du matériel numérique sophistiqué permettant le piratage et déverrouillage des véhicules
Un butin qui témoigne du niveau d’organisation du réseau et de ses compétences en matière de hacking automobile. Les enquêteurs cherchent désormais à identifier d’éventuelles complicités au sein même des constructeurs et équipementiers, le gang ayant eu accès à des données techniques confidentielles sur les systèmes de sécurité des modèles ciblés.
Des cybercriminels lourdement armés
Plus inquiétant encore, les perquisitions ont aussi permis la découverte d’un véritable arsenal chez certains des malfaiteurs :
Lors des perquisitions, outre le matériel servant à commettre les vols, les enquêteurs ont aussi mis la main sur plusieurs armes de poing et fusils d’assaut.
Une source proche de l’enquête
De quoi s’interroger sur les autres activités de ce gang ultra-organisé et prêt à tout pour protéger son juteux business. Selon les premiers éléments, les armes auraient servi à des missions de convoyage à haut risque vers les pays destinataires des voitures volées.
Une coopération policière européenne
L’enquête, particulièrement complexe au vu du mode opératoire des voleurs et du caractère international de leur réseau, a nécessité une large coopération des polices européennes. Des enquêteurs belges et espagnols ont ainsi prêté main forte à leurs homologues français pour identifier les ramifications étrangères de cette mafia des voleurs 2.0 :
Une vingtaine de policiers belges et une quinzaine de policiers espagnols ont épaulé les 200 gendarmes français mobilisés pour l’opération.
Le parquet de Bordeaux
Un bel exemple d’entraide qui a permis de porter un coup sévère à ce réseau tentaculaire qui profitait des failles de la cybersécurité automobile. Au total,17 individus ont été interpellés dont 11 ont d’ores et déjà été mis en examen. 6 d’entre eux ont été placés en détention provisoire.
Les constructeurs appelés à renforcer la sécurité de leurs véhicules
Cette affaire met une nouvelle fois en lumière les vulnérabilités des systèmes électroniques embarqués de nos voitures modernes. Entre la multiplication des fonctions connectées et la complexification du câblage et des calculateurs, les failles potentielles ne manquent pas pour qui a les compétences techniques de les exploiter.
Les constructeurs sont plus que jamais appelés à renforcer la sécurité numérique de leurs véhicules, en travaillant de concert avec des spécialistes en cybersécurité. Certains, comme Tesla, ont pris le problème à bras le corps en misant sur des mises à jour régulières et déployées automatiquement. Ce qui leur permet de colmater rapidement les brèches dès qu’elles sont identifiées.
Une approche qui a porté ses fruits : la marque américaine est l’une des moins touchées par les vols grâce aux innovations de ses systèmes antivol. Preuve que face aux bandes ultra-organisées, l’arme la plus efficace reste l’innovation technologique. À condition d’en faire une priorité.