Imaginez vivre dans un pays où le simple fait de s’engager en politique vous expose à une menace permanente. C’est le quotidien de nombreux Pakistanais, comme Maryam, l’épouse d’un député d’opposition. Depuis qu’elle a été embarquée sous la menace d’une arme pour être interrogée, elle confie vivre dans « la peur permanente ». Un témoignage glaçant qui en dit long sur le climat délétère qui règne au Pakistan.
Une histoire politique mouvementée
En 77 ans d’indépendance, le Pakistan a connu son lot de bouleversements politiques : coups d’État, manifestations meurtrières, assassinats de politiciens… Une instabilité chronique qui pèse lourdement sur la vie démocratique du pays. Si tous les partis ont subi répression et emprisonnement, c’est aujourd’hui le Tehreek-e-Insaf (PTI), le parti de l’ex-Premier ministre Imran Khan, qui est dans le collimateur du pouvoir.
Le PTI, cible numéro 1
Depuis l’éviction d’Imran Khan par un vote de défiance en 2022, son parti fait l’objet d’une répression d’une rare violence. Inculpations à répétition, arrestations de masse, détentions arbitraires… Les militants du PTI paient un lourd tribut à leur engagement politique. Rien que cette semaine, près d’un millier d’entre eux ont été arrêtés lors de manifestations. Face à cette situation, les cadres du parti sont contraints d’entrer dans la clandestinité.
Les cadres du PTI ont échoué à protéger leurs militants face à un État qui jouit d’une impunité totale.
Imaan Mazari, avocate
L’État pakistanais accusé
Pour le gouvernement, formé par une coalition hétéroclite unie dans son opposition au PTI, il s’agit de lutter contre « l’anarchie » et le « terrorisme ». Mais derrière ces justifications, beaucoup voient la main de l’armée, véritable « faiseur de rois » dans le paysage politique pakistanais. Selon Arifa Noor, politologue, « quand les partis politiques ou leurs dirigeants entrent en confrontation avec l’establishment [militaire], ils subissent les foudres de l’État ».
Tous les partis concernés
Pourtant, la répression ne touche pas que le PTI. Tous les partis d’opposition en ont fait les frais à un moment ou un autre. Ahsan Iqbal, ministre issu de la Ligue musulmane du Pakistan (PML-N), en sait quelque chose : « Tous les politiciens en vue ont été jetés en prison. Imran Khan est détenu dans la même cellule où il m’a enfermé quand il était au pouvoir », souligne-t-il avec ironie.
Enlèvements et détentions
En plus des arrestations « officielles », de nombreux opposants sont victimes d’enlèvements par des individus non identifiés, mais qui seraient liés aux services de renseignement ou à l’armée. C’est le cas d’Azhar Qazi Mashwani, membre de l’équipe de communication du PTI, retenu huit jours dans un lieu inconnu en mars 2023. « Ils m’ont fait passer au détecteur de mensonges en m’interrogeant sur la structure et les financements supposés de l’équipe de communication du PTI », raconte-t-il.
Un climat de peur généralisé
Ces méthodes musclées installent un climat de peur qui dépasse largement la sphère politique. Des citoyens ordinaires, sans lien avec les partis, se retrouvent pris dans les filets de la répression. « Ça ne se limite plus à la politique, n’importe qui peut être arrêté n’importe quand », s’alarme Saba, dont le frère a été détenu deux jours sans raison apparente. Un constat terrible qui en dit long sur l’état de la démocratie au Pakistan.
Dans un tel contexte, faire de la politique relève de la gageure. Entre la peur des représailles et l’arbitraire d’un pouvoir qui ne tolère aucune opposition, les Pakistanais engagés doivent faire preuve d’un courage et d’une résilience à toute épreuve. Mais à quel prix ? Combien de temps encore cette chape de plomb continuera-t-elle de peser sur la vie démocratique du pays ? Des questions qui restent en suspens, alors que le Pakistan s’enfonce chaque jour un peu plus dans l’autoritarisme.