Une avancée historique dans les relations franco-sénégalaises. Jeudi, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a révélé dans un entretien exclusif avec l’AFP avoir reçu une lettre de son homologue français Emmanuel Macron. Dans ce courrier, le dirigeant français reconnaît de façon « très claire, sans ambiguïté » que les forces coloniales ont commis un « massacre » contre des tirailleurs sénégalais le 1er décembre 1944 à Thiaroye, près de Dakar. Une première sous la Ve République.
La France admet sa responsabilité dans un drame colonial
Plus de 75 ans après les faits, la France fait un pas décisif vers la reconnaissance de sa responsabilité dans ce drame qui a longtemps été minimisé, voire occulté. Le 1er décembre 1944, les forces coloniales françaises ont ouvert le feu sur des tirailleurs sénégalais, d’anciens prisonniers de guerre qui réclamaient le paiement de leurs arriérés de soldes et diverses primes. Un bain de sang dont le bilan reste incertain. Si les autorités de l’époque ont admis au moins 35 morts, des historiens évoquent plusieurs centaines de victimes.
« La France se doit de reconnaitre que ce jour-là, la confrontation de militaires et de tirailleurs qui exigeaient que soit versée l’entièreté de leur solde légitime, a déclenché un enchaînement de faits ayant abouti à un massacre. »
– Extrait de la lettre d’Emmanuel Macron, consultée par l’AFP
Vers des excuses officielles de Paris ?
Pour le président sénégalais, cette lettre représente « un grand pas » de la part d’Emmanuel Macron. Si ce dernier s’excuse de ne pouvoir assister aux commémorations du 80e anniversaire du drame dimanche à Thiaroye, Bassirou Diomaye Faye y voit le prélude à de possibles excuses de la France.
« Reconnaître qu’on a perpétré un massacre, évidemment doit avoir comme incidence de s’amender. Sans être dans la surenchère, nous pensons que de façon naturelle, c’est ce qui doit suivre. »
– Bassirou Diomaye Faye, président du Sénégal
La balle est désormais dans le camp d’Emmanuel Macron. Sa lettre, si elle marque une avancée inédite dans la reconnaissance des pages sombres du passé colonial français, appelle de nouveaux gestes. Des excuses officielles permettraient de franchir une étape supplémentaire dans le travail de mémoire et de réconciliation entre les deux pays, encore marqués par les blessures de l’Histoire.
Thiaroye, symbole des traumatismes de la colonisation
Au-delà de son bilan humain, le massacre de Thiaroye reste un symbole douloureux des injustices et des violences de la colonisation française. Les tirailleurs sénégalais, enrôlés de force ou attirés par de fausses promesses, ont payé un lourd tribut durant la Seconde Guerre mondiale. Après avoir combattu pour la France et subi la captivité, ils ont été fauchés par les balles de ceux qu’ils avaient servis.
Leur sacrifice et leur tragique destin ont longtemps été minimisés, voire effacés des mémoires officielles. En reconnaissant le caractère indiscutable du massacre, la lettre d’Emmanuel Macron rompt avec des décennies de silence et d’ambiguïté. Elle ouvre la voie à une nécessaire réécriture de cette page d’histoire, loin des mensonges et des non-dits.
Un geste fort pour l’avenir des relations franco-sénégalaises
Si elle ne peut effacer la douleur et les traumatismes, cette reconnaissance par le plus haut sommet de l’État français jette les bases d’une relation renouvelée entre Paris et Dakar. Loin des rancœurs et des ressentiments, elle offre la possibilité d’écrire ensemble une nouvelle page, tournée vers l’avenir et des partenariats plus équilibrés.
Pour les familles des victimes et le peuple sénégalais, c’est aussi une étape essentielle dans le travail de deuil et de mémoire. La lettre d’Emmanuel Macron, en nommant la souffrance et en reconnaissant les faits, rend hommage aux morts de Thiaroye et leur restitue leur dignité. Un premier pas vers l’apaisement et une cicatrisation des plaies.
Le chemin vers une réconciliation pleine et entière entre la France et le Sénégal est encore long. Mais la reconnaissance par Emmanuel Macron du massacre de Thiaroye montre que les mentalités évoluent et que le dialogue sur les pages sombres du passé est possible. Un dialogue sincère et exigeant, fondé sur la vérité historique, seul capable de construire une relation durable et apaisée entre les deux rives de l’Atlantique.