C’est un pas de plus vers la reconnaissance des pages sombres de l’histoire coloniale française. Selon le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, Emmanuel Macron a admis dans une lettre qu’un « massacre » avait été perpétré par les forces coloniales françaises à Thiaroye, près de Dakar, le 1er décembre 1944. Une déclaration sans précédent de la part d’un chef d’État français sur cet épisode tragique et longtemps occulté.
Un massacre trop longtemps nié
Le 1er décembre 1944, des tirailleurs sénégalais tout juste revenus de la Seconde Guerre mondiale manifestaient dans le camp militaire de Thiaroye pour réclamer le versement de leurs soldes. En réponse, l’armée coloniale française avait ouvert le feu, faisant officiellement 35 morts et 35 blessés. Mais selon de nombreux historiens, le bilan serait bien plus lourd, avec au moins 300 victimes.
Pendant des décennies, cet événement a été minimisé voire nié par les autorités françaises. Les familles des victimes ont dû se battre pour obtenir vérité et justice. Ce n’est qu’en 2014, pour le 70e anniversaire du drame, que le président sénégalais de l’époque Macky Sall avait demandé à la France de déclassifier ses archives sur le sujet.
Une reconnaissance historique
Aujourd’hui, les mots d’Emmanuel Macron dans sa lettre au président sénégalais marquent donc une avancée majeure. « J’ai reçu aujourd’hui (jeudi) du président Emmanuel Macron une lettre dans laquelle il reconnaît que c’était un massacre, de façon très claire, sans ambiguïté sur les termes », a déclaré Bassirou Diomaye Faye lors d’un entretien à la Résidence présidentielle.
Une source proche du dossier a confirmé qu’Emmanuel Macron avait bien évoqué un « massacre » dans ce courrier, une première sous la plume d’un président français. Jusqu’ici, seul François Hollande avait fait un pas en ce sens en évoquant en 2014 « une répression sanglante » et « des massacres ». Mais sans en porter la responsabilité au nom de la France.
Vers une mémoire apaisée ?
Cette reconnaissance pourrait constituer une étape cruciale dans le long et douloureux processus de réconciliation des mémoires entre la France et ses anciennes colonies. Un travail jugé indispensable par de nombreux historiens et acteurs de la société civile pour construire des relations plus saines et équilibrées.
La vérité sur notre histoire commune est une exigence pour regarder ensemble vers l’avenir.
Un historien spécialiste de la colonisation
Cependant, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. D’autres épisodes sombres de l’histoire coloniale française, comme les massacres de Sétif en Algérie en 1945 ou la répression sanglante de l’insurrection malgache en 1947, attendent toujours une pleine reconnaissance officielle de la part de l’État français.
Une question brûlante au Sénégal
Au Sénégal, la question de la présence militaire française reste un sujet sensible. Le président Faye a ainsi déclaré lors de son entretien que l’existence de bases françaises sur le sol sénégalais était « incompatible » avec la souveraineté nationale. Une position ferme qui pourrait compliquer les relations entre Paris et Dakar si la France ne fait pas preuve d’une plus grande transparence sur son passé colonial.
La balle est désormais dans le camp d’Emmanuel Macron. Saura-t-il saisir cette occasion historique pour engager la France dans un véritable examen de conscience sur son héritage colonial ? L’enjeu est de taille pour l’avenir des relations franco-africaines et la possibilité d’une mémoire enfin pacifiée entre les deux rives de la Méditerranée.
Une chose est sûre : les mots ont un poids et la reconnaissance d’un crime est la première étape vers son dépassement. Espérons que le geste d’Emmanuel Macron ouvrira la voie à d’autres avancées mémorielles pour que la France et l’Afrique puissent écrire ensemble un nouveau chapitre de leur histoire commune. Un chapitre tourné vers l’avenir, dans le respect et l’égalité.