La révélation récente du placement sous haute protection d’une juge d’instruction belge, menacée par un narcotrafiquant, suscite une vive inquiétude au sein de la profession. Cette affaire met en lumière la dégradation alarmante des conditions de sécurité pour les magistrats en Belgique.
Une juge contrainte de vivre cachée
Selon des sources proches du dossier, la juge d’Anvers concernée a dû être déplacée il y a deux mois dans un lieu tenu secret, où elle vit depuis sous étroite surveillance policière. Cette mesure exceptionnelle fait suite à des menaces graves proférées à son encontre par un narcotrafiquant notoire, condamné en octobre dernier à 6 ans de prison.
D’après les premiers éléments de l’enquête, le criminel aurait orchestré ces intimidations depuis sa cellule, vraisemblablement au moyen d’un téléphone portable introduit clandestinement. Une pratique qui semble se généraliser dans les prisons belges, permettant aux détenus de poursuivre leurs activités illégales.
« Une terrible détérioration en cours »
Face à cette situation, l’Association des juges d’instruction de Belgique tire la sonnette d’alarme. Dans une tribune au vitriol, ses coprésidents Jean-Louis Doyen et Philippe Van Linthout dénoncent « une terrible détérioration en cours » de la sécurité des magistrats, qui « ne reçoit pas suffisamment d’attention ».
Il y a, à l’intérieur et à l’extérieur des tribunaux, une terrible détérioration en cours qui ne reçoit pas suffisamment d’attention et que nos institutions semblent incapables de gérer.
Jean-Louis Doyen et Philippe Van Linthout, coprésidents de l’Association des juges d’instruction de Belgique
Ils pointent notamment du doigt la surpopulation carcérale chronique et l’introduction clandestine de téléphones portables en détention, qui permettent aux criminels de continuer à gérer leurs trafics et intimider témoins ou magistrats.
Anvers, plaque tournante du trafic de cocaïne
Le port d’Anvers est devenu ces dernières années la principale porte d’entrée de la cocaïne en Europe, générant une criminalité de plus en plus violente. En septembre 2022 déjà, des menaces visant le ministre de la Justice de l’époque avaient conduit à l’éloigner de son domicile pendant plusieurs semaines.
Face à cette escalade, les magistrats réclament des mesures fortes pour endiguer les trafics et protéger ceux qui les combattent au quotidien. Il en va de l’intégrité de l’institution judiciaire et de la sécurité de ses acteurs les plus exposés.
Une mobilisation nécessaire
Cette affaire choquante doit être l’occasion d’une prise de conscience et d’une réaction ferme des autorités. Plusieurs pistes sont avancées :
- Renforcer les dispositifs de détection des téléphones et objets illicites en prison
- Durcir les sanctions contre les détenus qui poursuivent leurs activités criminelles
- Allouer plus de moyens à la protection des magistrats menacés
- Accélérer les procédures judiciaires concernant les grands criminels
Il est grand temps de donner aux juges les moyens de remplir leurs missions d’intérêt public en toute sérénité. C’est une question de crédibilité pour notre système judiciaire, et plus largement pour notre démocratie. Espérons que le courage de cette juge belge, qui continue d’exercer ses fonctions malgré la menace, sera le déclencheur d’une mobilisation à la hauteur des enjeux.