La police de Londres, surnommée la « Met », est sous le feu des critiques pour sa gestion de l’affaire Mohamed Al-Fayed, l’ex-homme d’affaires égyptien accusé par des centaines de femmes de viols et d’agressions sexuelles. Décédé en août 2023 à l’âge de 94 ans, il n’a jamais été inquiété de son vivant malgré les nombreuses plaintes à son encontre.
Une enquête tardive et des « opportunités manquées »
Ce n’est que mercredi soir, bien après le décès de Mohamed Al-Fayed, que la police londonienne a annoncé s’intéresser à son cercle rapproché. Cinq personnes sont désormais soupçonnées d’avoir « rendu possibles » les agissements présumés de l’ancien propriétaire du grand magasin Harrods, qui se seraient déroulés sur plus de 35 ans, entre 1977 et 2014.
Face aux critiques, la « Met » police a indiqué avoir revu « plus de 50 000 pages » de documents, dont des « témoignages de victimes », afin de mettre à jour d’éventuelles « opportunités manquées » d’agir plus tôt. Depuis la diffusion d’un documentaire accablant de la BBC en septembre, les langues se délient et le nombre de victimes présumées ne cesse d’augmenter.
Des victimes de plus en plus nombreuses
Selon les derniers chiffres communiqués par la police, ce seraient désormais près de 90 femmes qui auraient contacté les autorités depuis le début de l’affaire, « certaines faisant état de multiples infractions ». Parmi elles, une adolescente qui n’avait que 13 ans au moment des faits présumés. Les victimes étaient principalement de jeunes employées, parfois mineures, travaillant pour les entreprises de Mohamed Al-Fayed.
Toutes les personnes à qui j’ai parlé m’ont dit : « J’ai déposé une plainte auprès de la police, mais il ne s’est rien passé ».
Bruce Drummond, avocat de victimes présumées
Un homme puissant et intouchable
Malgré les nombreux témoignages accablants, Mohamed Al-Fayed n’a jamais été poursuivi de son vivant. Personnage charismatique et puissant, connu dans le monde entier pour être le père de Dodi Al-Fayed, mort tragiquement aux côtés de la princesse Diana en 1997, il semblait intouchable. Interrogé en 2013 dans le cadre d’une plainte, aucune charge n’avait finalement été retenue contre lui.
Pour l’avocate Emma Jones, qui représente plusieurs victimes présumées, les récentes annonces de la police sont « trop peu et trop tardives ». Elle pointe du doigt les graves dysfonctionnements des autorités dans ce dossier :
Un certain nombre de femmes ont porté plainte, mais ces plaintes n’ont jamais été regroupées dans le même dossier.
Zoë Billingham, ex-enquêtrice à « la police des polices »
Restaurer la confiance dans la police
Au-delà de l’affaire Al-Fayed, c’est la confiance même dans l’institution policière qui est ébranlée. Comment une personnalité aussi en vue a-t-elle pu agir en toute impunité pendant des décennies, malgré les nombreuses plaintes ? Pour les victimes et leurs avocats, il est urgent de faire toute la lumière sur les manquements de la police.
On ne peut pas changer l’histoire, on ne peut pas changer ce qui s’est passé, mais j’espère que la police aujourd’hui permettra de réparer ses erreurs passées.
Bruce Drummond, avocat de victimes présumées
Cette affaire met en lumière le fossé qui peut parfois exister entre la perception qu’a le public de la police et la réalité de son action face à certains crimes. Comme le souligne Zoë Billingham, ex-enquêtrice à « la police des polices » : « C’est précisément ce fossé qu’il faut combler ». La crédibilité et la légitimité des forces de l’ordre en dépendent.
Alors que l’enquête se poursuit et que de nouvelles victimes sortent du silence, la pression s’accentue sur la police londonienne pour faire enfin toute la lumière sur cette affaire hors normes. Les « opportunités manquées » du passé doivent servir de leçon pour mieux protéger et écouter les victimes à l’avenir. La lutte contre les violences sexuelles, quel que soit le profil de l’agresseur présumé, doit être une priorité absolue. C’est à ce prix que la confiance pourra être restaurée.