Dans une annonce qui promet de rebattre les cartes de l’industrie diamantaire mondiale, le Botswana, deuxième producteur de diamants bruts après la Russie, va bientôt rejoindre la Belgique comme centre de vérification et de certification des exportations vers les pays du G7. Cette décision historique, révélée jeudi par la présidence botswanaise, fait suite à l’interdiction des diamants russes par le G7 en janvier et à la désignation d’Anvers en mars comme unique site habilité à certifier l’origine des diamants bruts et à délivrer les précieux sésames du G7.
Mais cette situation de monopole n’a pas été du goût du Botswana, premier producteur africain de diamants, qui a vivement protesté contre ce système jugé « injuste, restrictif, coûteux et donc préjudiciable à l’économie » du pays. Face à cette levée de boucliers, une équipe technique du G7 sur les diamants, présidée par l’Union européenne, a finalement accepté d’ouvrir des discussions avec d’autres pays africains producteurs comme la Namibie et l’Angola pour établir des centres supplémentaires de certification.
Un enjeu économique et social crucial pour le Botswana
Pour le Botswana, l’inclusion prochaine comme centre de certification est un véritable tournant qui va « replacer le pays comme référence mondiale dans la production de diamants », selon le porte-parole du gouvernement, Montlenyane Baaitse. Il faut dire que les pierres précieuses constituent la principale source de revenus du pays, représentant environ 30% de son PIB et 80% de ses exportations. Mais avec l’interdiction des diamants russes, les revenus et les échanges liés à ce secteur ont chuté, faisant passer la croissance du Botswana de 5,5% en 2022 à 2,7% en 2023, d’après le Fonds monétaire international.
Cette situation préoccupante a sans doute pesé dans l’élection en octobre dernier de Duma Boko, qui a évincé le parti au pouvoir depuis près de soixante ans. Dès son arrivée au pouvoir, le nouveau président a fait de la relance de l’industrie diamantaire une priorité, comme il l’a rappelé lors de son discours à la conférence FACETS 2024 sur le diamant en Belgique, qui a précédé l’annonce sur la certification :
« Le Botswana s’engage à être un leader en matière de traçabilité et de pratiques minières responsables, garantissant que nos diamants brillent non seulement par leur esthétique mais aussi par leur éthique. »
Duma Boko, président du Botswana
Vers une diversification de l’économie botswanaise
Mais au-delà de l’enjeu de la certification, Duma Boko entend également profiter de cette occasion pour enclencher une diversification de l’économie de son pays, encore trop dépendante du diamant. Dans son premier discours sur l’état de la nation, il a ainsi évoqué son intention de se lancer sur le marché du cannabis médical et d’exploiter l’abondant ensoleillement du Botswana pour développer l’énergie solaire.
Des projets ambitieux qui témoignent de la volonté du nouveau président de ne pas mettre tous ses diamants dans le même panier et de préparer l’après-diamant. Car même si le Botswana regorge encore de pierres précieuses – ses réserves sont estimées à au moins 20 ans – le pays a bien conscience que cette manne n’est pas éternelle et qu’il doit dès maintenant poser les jalons d’une économie plus diversifiée et résiliente.
L’Afrique au cœur des nouveaux enjeux de l’industrie diamantaire
L’annonce du Botswana est aussi révélatrice des nouveaux enjeux géopolitiques et économiques qui traversent l’industrie diamantaire mondiale. Avec l’éviction de la Russie, premier producteur mondial, les cartes sont rebattues et l’Afrique apparaît comme le nouveau centre de gravité du secteur. Une opportunité historique pour des pays comme le Botswana, l’Angola ou la Namibie de renforcer leur influence et leurs revenus, à condition de jouer la carte de la transparence et de la responsabilité.
Car l’industrie du diamant en Afrique reste encore entachée par de nombreux problèmes comme le travail des enfants, le financement des conflits ou les atteintes à l’environnement. En devenant un acteur clé de la certification, le Botswana a l’occasion de montrer l’exemple et d’impulser un cercle vertueux sur tout le continent. Un défi aussi crucial que l’enjeu économique, et qui pourrait bien faire briller l’Afrique d’un nouvel éclat sur la scène internationale du diamant.
Reste à savoir si cette nouvelle donne profitera équitablement à toutes les parties prenantes, des mineurs aux communautés locales en passant par les États producteurs. Une chose est sûre : avec cette décision historique, le Botswana a posé la première pierre d’un nouveau chapitre pour les diamants africains, qui s’annonce aussi brillant que complexe.